ARTS
PAR JEAN-JACQUES LEVEQUE
P OUR mieux comprendre l'espèce de fascination qu'a pu exercer l'Italie sur les peintres de tous les pays européens, il faut d'abord visiter la merveilleuse exposition consacrée aux peintres de plein air (1780-1830). On est là dans le plein succès du « grand tour » qui faisait partie de l'éducation des enfants bien nés..
Mais les peintres y allaient avec le but bien déterminé d'y trouver des sujets à peindre, marqués par cette « antiquité » qui faisait le délice des humanistes, mais aussi une certaine lumière qui va peu à peu engendrer une vision « moderne » du paysage. A partir du moment où le paysage devient un sujet à part entière, le peintre se transforme en promeneur, en touriste. Il suit les itinéraires recommandés par les guides. Il met ses pas dans ceux des écrivains qui ont signalé des lieux d'exception : Nemi, Subiaco ou Tivoli dans les environs de Rome, Terni en Ombrie, Capri, Sorrente ou le Vésuve et Pompéi dans la région de Naples.
Grâce à la richesse même du sujet le peintre sort des principes du paysage composé pour des scènes historiques ou mythologiques et se laisse embrasé du bonheur de voir devant la magie d'une lumière qui dore les vieilles pierres, anime la végétation, donne à l'instant une qualité de silence, de réflexion, une saveur jusqu'alors interdites.
L'exposition démontre aussi que cet attrait de l'Italie concerne toute l'Europe, des Anglais Bonnington et Turner, aux Français Granet, Valenciennes ou Corot, en passant par les Scandinaves généralement moins connus - Kobke, Söderberg, Dahl et Eckersberg -, les Allemands, particulièrement bien représentés avec Reinhart, von Rohden, Erhard, Wagner, Schilbach, Mosbrugger.
Comme si l'Italie avait su, plus que d'autres, préserver les traces de son prestigieux passé et le donner en exemple pour une évolution de la peinture vers ses plus grandes libertés.
C'est la question que pose l'exposition proposée au musée d'Orsay : l'art italien à l'épreuve de la modernité.
Un art qui doit s'inscrire dans une toute nouvelle donnée sociale et économique. Avec son unité enfin réalisée, l'Italie passe d'une société agricole à une société industrielle.
Les rapports avec Paris y sont intenses, et révélateurs de cette menée de front de l'art au XIXe siècle dans une vision quasi européenne. Ici les retombées du symbolisme, là l'émergence d'une vision sociale avec ces nouveaux personnages que sont les prolétaires. Séductions de Paris, c'est la touche en coup de fouet de Boldini, l'impressionnisme à la Degas interprété par De Nittis, et le très novateur Medardo Rosso.
C'est au début du XXe siècle que l'art italien joue ses atouts les plus déterminants avec le futurisme, cette école d'énergie picturale et la réflexion « muséale » de Giorgio de Chirico, un faiseur de rêve auquel le surréalisme avait, en son temps, rendu l'hommage qui lui est dû.
En forme de dossier, dont Orsay a le secret, un aperçu sur le travail de « designeur » de Carlo Bugatti. Si le nom de cette féconde dynastie d'artistes est lié à celui d'une automobile, il ne faut pas négliger le catalogue de formes inventées par l'un d'eux, le père de ceux qui furent, respectivement, Rembrandt Bugatti, sculpteur animalier, et Ettore, le dessinateur d'une des voitures les plus prestigieuses.
En apothéose un peu grandiloquente de ce voyage en Italie effervescente, l'évocation de l'écrivain d'Annunzio s'impose. Elle ne donne pas une image bien sympathique de cet homme dont l'agitation intellectuelle fascinait ses contemporains (et en particulier les femmes). L'uvre est aujourd'hui à peine lisible, mais la vie aventureuse de l'homme entretient la légende.
Paysages d'Italie. Les peintres du plein air (1780-1830). Galerie nationales du Grand Palais. Jusqu'au 9 juillet. Tous les jours, sauf le mardi, de 10 h à 20 h, le mercredi jusqu'à 22 h. Entrée 56 F, (de 10 h à 13 h) sur réservation 0 892.684.694. ou à la FNAC, chez Virgin, Carrefour, Printemps-Haussmann. 41 F sans réservation, à partir de 13 h. Un remarquable catalogue édité par la RMN.
Italies, l'Art italien à l'épreuve de la modernité (1880-1910). Dossiers Carlo Bugatti et d'Annunzio. Musée d'Oray. jusqu'au 15 juillet. Tous les jours, sauf le lundi, de 10 h à 18 h, le jeudi jusqu'à 21 h 45. Entrée (musée + exposition) 40 F.
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