« S' IL n'existe pas, à la lumière des études réalisées en France (étude "Val-de-Marne", 1991, et SU.VI.MAX., en cours) de signes évocateurs de carences vitaminiques majeures dans la population générale, les apports alimentaires en vitamines de certaines fractions non négligeables des populations étudiées s'éloignent des recommandations établies (ANC, Apports Nutritionnels Conseillés) », explique le Dr Serge Hercberg (INSERM U557/INRA U1125). Toutefois, ce type d'information concernant la proportion de personnes dont les apports alimentaires en certains vitamines et minéraux s'éloignent des ANC doit être replacé dans les limites d'interprétation. La non-équation entre les apports alimentaires mesurés et les ANC ne permet, en effet, absolument pas de conclure à l'existence de carences ou de déficiences, ni même à une absence de couverture des besoins vitaminiques individuels. Le concept même d'apports conseillés repose sur la prise en compte de la variabilité des besoins au sein d'une population. Les ANC sont définis pour couvrir les besoins de 97,5 % de la population, ils sont ainsi « tirés vers le haut » par les sujets ayant des besoins particulièrement élevés. De ce fait, ils sont, par définition, supérieurs aux besoins réels d'une très large fraction de la population.
Cependant, on peut penser que, au niveau individuel, plus les apports d'une personne sont éloignés du niveau des ANC, plus la probabilité qu'ils ne couvrent pas ses besoins est grande. Mais il reste impossible de conclure en s'appuyant sur des enquêtes alimentaires, autrement qu'en termes probabilistes, sur les risques de non-couverture des besoins nutritionnels. La seule façon d'objectiver la réalité de la carence ou des déficiences consiste, dans l'état actuel des connaissances, à utiliser des paramètres biochimiques.
Pas de carences mais des déficiences
Les deux grandes études disposant de biomarqueurs (étude Val-de-Marne et SU.VI.MAX.) n'ont pas retrouvé de formes majeures de carences vitaminiques dans la population française. En revanche, des fractions plus ou moins importantes de la population présentent des valeurs basses pour certains marqueurs biologiques, ce qui peut être considéré comme un éventuel stigmate biochimique de déficience, et non pas de carence : valeurs évocatrices d'un risque modéré de déficience biologique en vitamine A pour 20 à 25 % des femmes adultes, en bêtacarotène pour 10 à 20 % des femmes adultes et pour 3 à 11 % des hommes ; en vitamine E chez 7 à 12 % des hommes et 3 à 5 % des femmes ; en vitamine B1 chez près de 8 % des enfants et des adolescents et 22 % des adultes de moins de 50 ans ; en vitamine B2 chez 14 à 31 % des femmes et 8 à 22 % des hommes ; enfin, en vitamine D pour 12,4 % des hommes et 15,5 % des femmes. « Mais il reste à savoir si ces états de déficience reconnus biochimiquement ont véritablement des conséquences néfastes sur la santé », conclue le Dr Hercberg.
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