Endocrinologie

Vitamine D : mode ou nécessité ?

Publié le 29/06/2012
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Avec la multiplication des publications soulignant les bénéfices potentiels de la vitamine D sur la santé et la prévalence de l’hypovitaminose D en France, le sujet est devenu incontournable.

Crédit photo : ©GARO/PHANIE

Décidément la vitamine D ne laisse plus les praticiens indifférents. Alors que l’Académie de médecine vient de se prononcer en faveur d’une augmentation des apports nutritionnels conseillés, toute une session du récent congrès de la médecine générale était consacrée à ce sujet la semaine dernière à Nice. Lancée, autour du thème « vitamine D, mode ou nécessité » par le Dr Virginie Personne (chef de clinique de médecine générale à Paris Descartes), la session a fait salle comble et suscité de nombreuses discussions. Car si la supplémentation des enfants et des adolescents semble aujourd’hui faire consensus, tout comme celle des plus de 65 ans, (voir encadré ci dessous), la conduite à tenir chez l’adulte jeune en bonne santé reste beaucoup plus floue et controversée. Avec à la clef encore beaucoup d’interrogations voire de scepticisme parmi les généralistes.

Des seuils trop hauts ?

Alors que plusieurs publications récentes font état d’une prévalence de l’hypovitaminose D en France proche de 50 à 80 % selon, certains praticiens s’interrogent sur la réalité de ces déficits. « Quand tant de gens sont carencés est ce que ce n’est pas tout simplement que la norme est trop haute » suggèrent l’un d’entre eux. De fait « la valeur seuil définissant l’insuffisance en vitamine D est difficile à déterminer » reconnaît l’Académie de médecine. Les valeurs retenues – définies à partir de différentes études, comme la concentration de 25 OHD permettant une diminution de 20 % du risque de fracture - ne sont pas consensuelles et varient entre 20 et 30 ng/ml selon les experts. « Mais même pour 20ng/ml la prévalence du déficit reste encore très élevée de l’ordre de 50 % » indique le Dr Virginie Personne.

Trop de dosages ?

Dès lors, faut-il réaliser larga manu des dosages de 25 OH vitamine D y compris chez les adultes jeunes et en bonne santé ? Depuis plusieurs années ces examens tendent à se multiplier avec une augmentation des prescriptions de 76 % rien qu’entre 2007 et 2009. Mais leur intérêt reste sujet à caution. Pour le Dr Jean Claude Souberbielle (endocrinologue à l’hôpital Necker à Paris et coauteur du rapport de l’Académie de Médecine), sauf symptômes ou maladie sous jacentes particulières - ostéoporose, insuffisance rénale chronique, etc.-, ces dosages ne sont pas justifiés. Même point de vue pour le Dr Personne qui pointe aussi les coûts engendrés par ces pratiques (17,50 euros par dosage) et se demande s’il ne serait pas plus pertinent de supplémenter à l’aveugle ces populations. « Vous supplémentez très facilement vos nourrissons, vos femmes enceintes ou encore vos patients de plus de 65 ans. Pourquoi ne pas faire la même chose pour les adultes en bonne santé de 18 à 65 ans » s’interroge-elle. Cette stratégie devrait être prochainement évaluée dans une étude conduite en médecine générale. Mais déjà l’idée fait grincer des dents. « Vous allez traiter un taux, un chiffre mais pas une maladie » a-t-on entendu à Nice. « Je ne vais pas prescrire pendant 60 ans un traitement qui n’a pas été évalué » argumente pour sa part le Dr Gilles Gabillard (médecin généraliste à ) dans un billet d’humeur posté sur le site de la SFMG. Posant ainsi la question du bénéfice risque d’une telle supplémentation. En terme de bénéfice, si un impact positif a pu être démontré sur l’os par des études d’intervention, les autres effets favorables potentiels (réduction du risque d’infection, prévention de certains cancers, efet bénéfique dans le diabte, etc. ) ne sont pour le moment suggéré que par des études d’association reconnaît le Pr Souberbielle. Un travail présenté à Nice ayant testé l’impact d’une supplémentation chez l’adulte jeune ne retrouve à 6 mois aucun bénéfice sur la fatigue ou les infections.

Concernant les risques potentiels, « aux doses proposées pour ce type de supplémentation ( 100 000 UI tous les 2 ou 3 mois), il n’y a aucun risque de toxicité » rassure le Pr Souberbielle. Exception faite des patients atteints de granulomateuse chez qui l’activation de la vitamine D en métabolite actif est « boostée » par leur maladie. À des doses très élevées en revanche, la vitamine D « peut être un produit potentiellement très toxique » avec des risques d’hypercalcémie, de calcul rénaux voire de néphrocalcinose.

Bénédicte Gatin

Source : Le Généraliste: 2611