Décision Santé. Considérez-vous que notre système de santé se dégrade ?
Dr Alain Jacob. Non, je ne pense pas que notre système de santé soit en si mauvais état que cela. Il a semble-t-il perdu de sa superbe. Mais il reste quand même un des meilleurs au monde. Avec une caractéristique merveilleuse qui est que toute personne, pour peu en tout cas qu’elle ne se trouve pas en situation irrégulière, peut se faire soigner en France dans de bonnes conditions. Il ne faut quand même pas tomber dans la sinistrose. Cependant, il est vrai que notre pays connaît des difficultés économiques évidentes qui ont un impact sur le système de santé déjà fortement endetté et que, parallèlement, on a une démographie des professionnels de santé qui va être en difficulté dans les dix ou quinze ans qui viennent.
D. S. Comment corriger le tir ?
Dr A. J. Il faut mieux utiliser l’argent et les ressources humaines dont nous disposons. Sans faire de plaidoyer pro-HPST, on essaie de décloisonner la ville, l’hôpital et le médico-social pour permettre notamment la mobilité des acteurs. Ce faisant, on peut espérer générer des économies de structures. On peut revoir le maillage de l’offre de soins en rapprochant les structures. Les cliniques l’ont très bien compris, depuis longtemps. Dans le public, l’AP-HP, par exemple, a besoin d’une grande rénovation. Ses établissements se concentrent dans Paris et sont devenus trop gros pour la population dont ils ont la charge. Cela dit, comment faut-il s’y prendre pour soigner un sixième de la population française ? C’est une question difficile. Nos établissements de santé doivent évoluer pour être au plus près des populations qui migrent des centres-ville vers l’extérieur.
D. S. Les établissements doivent-ils aussi se restructurer de l’intérieur ?
Dr A. J. Bien sûr. Pour ne citer qu’un exemple : les praticiens hospitaliers ont un statut qui, bien que fragilisé ces dernières années, reste très protecteur. Mais il est aussi d’une rigidité telle qu’il n’intéresse pas les jeunes. Il faut introduire de la souplesse pour permettre par exemple aux PH qui le souhaitent d’exercer une partie de leur temps à l’hôpital et une autre en ville. Il faut aussi faciliter les temps partiels. Globalement, il faut parvenir à sortir des carcans réglementaires, législatifs, statutaires pour être plus adaptables aux soubresauts de notre société. On est encore dans les schémas d’organisation de 1945. Il faut que l’on soit novateur.
D. S. Ce doit aussi être la philosophie à suivre en matière de santé publique ?
Dr A. J. On le dit et le redit : il faut travailler sur la prévention. Quoi qu’on dise, c’est ce qui permet l’allongement de la durée de vie de la population. On sauve plus de personnes en leur expliquant les règles d’hygiène, l’importance de l’exercice physique, d’une nourriture saine et j’en passe, plutôt qu’en prescrivant des hypolipémiants. La médecine curative n’a jamais fait la preuve d’une efficacité supérieure à la médecine préventive. Sans compter que l’investissement dans la prévention est moins coûteux que dans la médecine curative.
D. S. Les messages de prévention ne changent cependant pas les comportements des personnes défavorisées…
Dr A. J. C’est certain. En cancérologie par exemple, on voit bien l’impact des inégalités sociales. Les cancers ORL sont fréquents chez les alcooliques, les fumeurs, les désinserés. Cette réalité est probablement en pleine dégradation, mais c’est une question plus sociale que sanitaire. Et malgré ces inégalités, on vit dans un pays merveilleux, je le redis. Je rappelle quand même que le droit à la santé figure dans le préambule de notre constitution. Que vous soyez riche ou pauvre, vous avez à peu près la même valve cardiaque si on vous opère.
D. S. Comment assainir les comptes de la Sécurité sociale ?
Dr A. J. En améliorant l’organisation du système. On est gêné aux entournures parce que le tout-partout n’est pas possible. Faut-il que chaque hôpital général ait sa coronarographie pour mettre des stents ? Probablement pas. Il faut diminuer les coûts de structure.
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