INITIALEMENT mis en cause dans le lymphome de Burkitt, le virus Epstein Barr (EBV) a depuis été incriminé dans d’autres hémopathies, comme la maladie de Hodgkin, des lymphomes T et B et des lymphomes à cellules NK. Environ 90 % des adultes sont infectés par l’EBV. En condition physiologique, le virus est situé à l’intérieur des lymphocytes B, ne se réplique pas, existe sous une forme latente et n’induit pas de prolifération, grâce au contrôle des LT cytotoxiques. En effet, l’EBV exprime normalement des antigènes viraux (protéines) qui sont reconnus par l’hôte. Mais dans certaines circonstances particulières où l’immunité T est défectueuse comme une coïnfection par le VIH, un traitement en vue d’une transplantation, etc., les lymphocytes B infectés peuvent proliférer et évoluer vers une tumeur. «Le rétablissement de l’immunité permet parfois d’obtenir la régression de la tumeur. Dans les cas particuliers où le virus n’exprime plus les protéines normalement reconnues par les LT cytotoxiques, il échappe au système immunitaire, même compétent, remarque le Pr Hermine. Ces malades sont difficiles à traiter car ils ne répondent pas aux traitements conventionnels. D’où l’idée actuelle de réactiver certaines protéines du virus, pour permettre leur reconnaissance par les lymphocytesT ou pour activer des médicaments comme l’aciclovir: une protéine du virus, la thymidine kinase, peut notamment jouer ce rôle et des essais sont en cours.»
Rétrovirus.
Chez l’homme, le principal rétrovirus responsable de lymphomes à cellules T et de leucémies est le HTLV1. Seulement de 1 à 5 % des patients infectés par ce virus vont développer un cancer, trente-quarante ans plus tard. Pourquoi aussi peu ? Le séquençage du virus a permis de trouver une région appelée PX qui code pour différentes protéines dont la protéine TAX, un superoncogène. L’hypothèse actuellement retenue est donc que ce rétrovirus, en se mettant dans les LT, exprime la protéine TAX et entraîne la prolifération de certains lymphocytes. Des événements génétiques secondaires font que la cellule devient ensuite tumorale. «Or si cette transformation est aussi peu fréquente, c’est peut-être parce que la protéine TAX est reconnue par des lymphocytes cytotoxiques, remarque le Pr Hermine. Pour qu’un cancer apparaisse, il faut donc, en plus, une immunosuppression ou encore la survenue de diverses mutations successives permettant à la cellule de proliférer sans que la fameuse protéine TAX ne soit exprimée et donc reconnue. La probabilité pour que cela survienne est faible. Mais lorsque cela se produit, il s’agit d’un lymphome de très mauvais pronostic (survie moyenne de six mois).»
Des essais avec l’interféron et l’AZT ont néanmoins permis d’obtenir quelques rémissions complètes. Ces médicaments agiraient non pas par un mécanisme antirétroviral, mais plutôt en bloquant la télomérase, mais leur délai d’action est long et ne semble fonctionner que si la protéine anti-oncogénique P53 est sauvage. D’autres recherches portant sur des traitements alternatifs ont donc été menées. Par exemple, la combinaison d’un traitement par l’interféron et l’arsenic qui induit, invitro, la mort des cellules infectées par HTLV1. Mais là encore, le traitement n’est pas toujours efficace en raison d’un index thérapeutique faible. Autre piste suivie : les inhibiteurs des protéasomes. En effet, les voies activées par les virus pour rendre les cellules infectées immortelles pourraient dépendre de ces systèmes enzymatiques. Enfin, comme les LT infectés et cancéreux expriment de nombreux récepteurs à la transferrine pour faire entrer le fer indispensable à la survie cellulaire, une autre voie est de bloquer ce récepteur pour provoquer leur mort.
Virus de l’hépatite C.
Ce virus est présent chez 90 % des patients qui ont des cryoglobulines de type 2 : il s’agit de patients qui fabriquent des anticorps dirigés contre leurs anticorps, en particulier ceux dirigés contre le virus et qui précipitent à froid, se traduisant par des purpuras vasculaires, des atteintes rénales et articulaires. Ces cryoglobulines sont en outre associées à des proliférations de lymphocytes B qui se différencient dans la moelle, dans les ganglions et dans la rate et évoluent parfois vers des lymphomes, d’où l’hypothèse selon laquelle le virus de l’hépatite C pourrait également être associé à des lymphomes. Des études épidémiologiques réalisées en Italie, chez des patients infectés par le virus de l’hépatite C et développant des lymphomes, tendent à confirmer ce lien encore controversé.
L’association entre les lymphomes spléniques à lymphocytes villeux et le virus de l’hépatite C a été démontrée en France dans au moins 15 % des cas. «Dans ce cas, un traitement antiviral classique de l’hépatiteC, associant interféron et ribavirine, entraîne une rémission complète du lymphome chaque fois que le traitement antiviral réussit à éliminer la charge virale. Ce même traitement administré à des patients ayant un lymphome, mais pas d’hépatiteC, n’entraîne aucune réponse! La corrélation entre charge virale et charge tumorale est donc très forte», conclut le Pr Hermine.
D’après un entretien avec le Pr Olivier Hermine, service d’hématologie adulte de l’hôpital Necker et Cnrs UMR 8147.
Certains virus agissent en synergie
Chez les patients infectés par le VIH et qui développent un sarcome de Kaposi, une maladie de Castelman ou un lymphome des cavités (plèvre, péritoine, péricarde), on trouve dans toutes ces tumeurs un herpès virus : le HHV8. Et aussi volontiers l’EBV. Une synergie entre ces virus est donc probable : le VIH induit une immunosuppression, HHV8 et EBV, une prolifération des cellules qu’ils infectent.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature