I. Bronchiolites-bronchites
La bronchiolite touche le nourrisson. C'est une infection toujours virale due principalement au virus respiratoire syncytial (VRS) (70 % des cas environ dans la population de nourrissons hospitalisés pour bronchiolite), aux virus influenza (VI) (20 % environ), aux virus para-influenza (VPI) (10 % environ) et à d'autres virus dont on connaît la responsabilité depuis peu grâce à une amélioration de la détection virale : métapneumovirus (MPV), coronavirus, rhinovirus, entérovirus, adénovirus (1). La surinfection bactérienne est possible, elle est évoquée devant la fièvre persistante.
La bronchite débute par une infection bénigne des voies aériennes supérieures, avec apparition secondaire, après 3-4 jours, d'une toux, initialement sèche, puis grasse. Les crachats peuvent être puriformes pendant quelques jours sans que cela signe une surinfection (ils sont dus à l'afflux de polynucléaires neutrophiles et à la desquamation de l'épithélium). L'auscultation est normale ou peut retrouver quelques râles bronchiques. L'évolution est favorable en deux ou trois semaines sans signes généraux accompagnateurs. La recherche étiologique n'a pas d'indication sauf, dans le cadre d'une étude épidémiologique.
Leur cause est virale dans environ 80 % des cas (VRS, VPI 1 et 2, VI A et B, adénovirus, rhinovirus, paramyxovirus…). Elle est plus rarement bactérienne ( Mycoplasma pneumoniae, Chlamydia pneumoniae).
En cas de fièvre associée (38,5 °C pendant trois jours), de mauvaise tolérance respiratoire ou de persistance des symptômes au-delà de trois semaines, il faut suspecter une surinfection bactérienne et demander une radiographie de thorax (rechercher une atélectasie, une pneumopathie...). La recherche de la bactérie responsable de la surinfection peut être faite par l'analyse d'un crachat (Ecbc) prélevé au cours d'une séance de kinésithérapie respiratoire, avant mise en route d'une antibiothérapie. Son interprétation doit être critique et prudente : le crachat doit comporter plus de 25 leucocytes par champ et moins de 10 cellules épithéliales (garant de la provenance profonde de l'échantillon), l'examen doit être quantitatif avec un seuil de positivité > 105 UFC/ml. Sa sensibilité et sa spécificité sont mauvaises en raison de la contamination fréquente par la flore oropharyngée. L'examen de crachat n'a aucun intérêt virologique (2). Les germes le plus fréquemment responsables de surinfections sont le pneumocoque, Haemophilus influenzae, Branhamella catarrhalis.
La répétition de bronchites doit faire rechercher un terrain sous-jacent (asthme, mucoviscidose, dyskinésie ciliaire, déficit immunitaire, bronchites par inhalation lors d'un reflux gastro-oesophagien majeur, troubles de la déglutition...).
II. Pneumopathies
Les signes devant faire envisager une pneumopathie sont la polypnée, la toux, la fièvre. L'auscultation retrouve classiquement une diminution du murmure vésiculaire en regard du foyer, parfois des râles crépitants ou un souffle tubaire. L'auscultation pulmonaire peut être normale au début, surtout chez le nourrisson.
II.1. Epidémiologie
Peu de données épidémiologiques sont disponibles en France.
Aux Etats-Unis, Michelow et coll. (3) ont étudié de façon prospective les enfants hospitalisés pour pneumopathie entre janvier 1999 et mars 2000 : 154 enfants présentant de la fièvre, une tachypnée ou une anomalie auscultatoire associées à des anomalies radiologiques (opacités systématisées ou non ± épanchement pleural, atélectasie ou infiltrats) ont eu des examens à visée étiologique : radiographie de thorax, numération formule sanguine, dosage de procalcitonine. Ces enfants n'avaient pas été vaccinés contre le pneumocoque.
Dans 79 % des cas (122 enfants), une étiologie a été retrouvée, dont 76 % (93/122) de pneumopathies bactériennes (avec ou sans coïnfection) dont 73 % (68/93) dues au pneumocoque, et 45 % d'infections virales (dont 23 % en coïnfection avec une bactérie). Quarante-sept pour cent des pneumopathies à Mycoplasma ou Chlamydia pneumoniae ont été diagnostiquées chez des enfants de moins de 5 ans. La répartition de la proportion entre les étiologies virales et bactériennes varie avec l'âge .
II.2. Virus ou bactérie
Dans l'étude de Michelow et coll. (3), les meilleurs critères orientant vers une étiologie bactérienne étaient une température élevée (≥ 38,4 °C) dans les soixante-douze heures après hospitalisation et la présence d'un épanchement pleural. Une procalcitonine supérieure à 0,75 ng/ml était plus fréquente en cas d'infection bactérienne. Radiologiquement, une condensation parenchymateuse était en faveur d'une étiologie bactérienne typique versus virale ou bactérienne atypique (p = 0,01).
En 2006, la distinction virus/bactérie se fait (en l'absence ou avant d'avoir la preuve étiologique) encore sur un faisceau d'arguments. Aucun test biologique absolu n'est encore disponible. Les prélèvements à la recherche du germe en cause doivent rester la règle en cas de pneumopathie sévère (nécessitant une hospitalisation) ; ils sont plus discutables en ambulatoire (pneumopathie bien tolérée) où seule la radiographie est indispensable.
Les critères en faveur d'une étiologie bactérienne sont reportés dans le tableau I (4, 5).
Des infiltrats diffus, des atélectasies touchant plusieurs lobes sont en faveur d'une origine virale ou d'un germe atypique ( Mycoplasma ou Chlamydia pneumoniae) de même que des sibilants.
La procalcitonine (mieux que l'interféron alpha ou que l'IL6) est souvent élevée en cas d'infection bactérienne et en particulier en cas d'infection pneumococcique (6). Toutefois, ce dosage peut être pris en défaut : dans l'étude de Korppi et coll. (132 enfants hospitalisés pour une pneumopathie), la procalcitonine n'était supérieure à 1 ng/ml que dans 40 % des cas d'infection à pneumocoque prouvée ( versus 12 % des infections virales), au moins 2 enfants avaient des valeurs supérieures à 1 ng/ml avec une pneumopathie virale (sans coïnfection) (7).
II.3. L'évolution de la prise en charge en ambulatoire
La recherche rapide du virus de la grippe dans les sécrétions nasales par immuno-chromatographie au cabinet (commercialisation de kits) permettra de ne pas instaurer d'antibiothérapie en l'absence de signes cliniques inquiétants. Ces tests nécessitent un temps de lecture entre 10 et 20 minutes et une formation préalable (2).
II.4. Quelle conduite thérapeutique en pratique en ambulatoire (pneumopathie bien tolérée sans pathologie sous-jacente)?(8)
L'impossibilité d'écarter un processus bactérien explique la décision de mise en route rapide d'une antibiothérapie probabiliste. Quel que soit l'âge, le risque infectieux le plus important est lié à Streptococcus pneumoniae. Avant 3 ans (même pour les enfants vaccinés contre le pneumocoque), l'amoxicilline peros (80-100 mg/kg en trois prises par jour) est recommandée en première intention pendant dix jours. A partir de 3 ans, le pneumocoque et les bactéries atypiques prédominent ( Mycoplasma et Chlamydia pneumoniae) : le choix antibiotique initial s'appuie sur le tableau clinique et radiologique : l'amoxicilline (dix jours), si celui-ci est évocateur d'une infection à pneumocoque, macrolide (quatorze jours) s'il est évocateur d'une bactérie atypique. L'enfant doit être surveillé. En cas d'absence d'amélioration en 48 heures, l'arrêt de l'amoxicilline et le relais par un macrolide sont recommandés.
Les pneumopathies à Haemophilusb sont devenues exceptionnelles depuis la généralisation de la vaccination. Toutefois, en l'absence de vaccination, l'association amoxicilline + acide clavulanique se justifie.
Un épanchement pleural ponctionnable (plus d'un travers de doigt sur la radiographie de thorax) doit être ponctionné (avant l'instauration d'une antibiothérapie, si possible). L'Ecbc n'a pas d'intérêt. Il est possible de faire des sérologies à la recherche de Mycoplasma ou Chlamydia pneumoniae ; le diagnostic sera rétrospectif en cas d'IgM élevées ou de séroconversion (IgG multipliées par 4 à quinze jours d'intervalle).
Quelle attitude sur le suivi radiologique?
Selon la British Thoracic Society, le contrôle radiologique à distance peut n'être demandé qu'en cas de pneumopathie ronde, d'atélectasie ou d'évolution défavorable.
Cette attitude ne permet pas de reconnaître les malformations pulmonaires, les foyers (dont l'aspect n'est pas toujours atélectasié) secondaires à un corps étranger passé inaperçu et ayant entraîné une infection. Elle retardera souvent le diagnostic de séquelles de pneumopathie.
Conclusion
Actuellement, aucun critère radiologique ni test biologique ne permet de trancher de façon formelle entre une étiologie bactérienne et une étiologie virale.
Les bronchiolites et les bronchites étant surtout virales, aucune antibiothérapie n'est justifiée en l'absence de signes de surinfection bactérienne.
Toute pneumopathie nécessite une radiographie pulmonaire.
Les pneumopathies sont d'étiologie virale dans au moins 25 % des cas et peuvent se surinfecter. En l'absence d'une preuve étiologique, possible actuellement pour la grippe au cabinet, il est raisonnable de commencer une antibiothérapie qui sera orientée principalement en fonction de la radiographie et de la clinique.
Bibliographie:
(1) Brouard J, Vabret A, Freymuth F. Virus et Asthme. Allergologie pédiatrique, J. de Blic et P. Scheinmann, Editions Flammarion 2006 à paraître.
(2) Ferroni A, Leruez-Ville M. Diagnostic microbiologique des infections respiratoires basses aiguës de l'enfant. « Revue française des laboratoires », supplément au n° 369, janvier 2005.
(3) Michelow IC, Olsen K, Lozano J et coll. Epidemiology and clinical characteristics of community-acquired pneumonia in hospitalized children. « Pediatrics » 2004 Apr. 113 (4) : 701-707.
(4) Korppi M. Non-specific host response markers in the differentiation between pneumococcal and viral pneumonia : what is the most accurate combination ? « Pediatr Int » 2004 Oct ; 46 (5) : 545-550.
(5) Khamapirad T, Glezen WP. Clinical and radiographic assessment of acute lower respiratory tract disease in infants and children. « Semin Respir Infect » 1987 Jun ; 2 (2) : 130-414.
(6) Moulin F, Raymond J, Lorrot M et coll. Procalcitonin in children admitted to hospital with community acquired pneumonia. « Arch Dis Child » 2001 Apr ; 84 (4) : 332-336.
(7) Korppi M, Remes S. Procalcitonin in pneumococcal pneumonia in children. « Eur Respir J », 2001 Apr ; 17 (4) : 623-627.
(8) Afssaps. Antibiothérapie par voie générale en pratique courante au cours des infections respiratoires basses de l'adulte et de l'enfant. Recommandations. Octobre 2005. http://agmed.sante.gouv.fr/htm/5/rbp/antibio.htm.
Critères
Critères en faveur d'une étiologie bactérienne, hors bactéries atypiques (Mycoplasma pneumoniae, Chlamydia pneumoniae) (4,5) :
– fièvre élevée ≥ 38,4 °C, d'autant plus qu'elle est prolongée ;
– condensation parenchymateuse systématisée localisée (figure 4), épanchement pleural d'autant plus qu'il ne s'agit pas d'une simple lame, abcès, bulle ou pneumatocèle ;
– taux sérique de polynucléaires neutrophiles élevé (> 20 000/mm3) ;
– C réactive protéine sérique élevée (> 80 mg/l) ;
– procalcitonine sérique élevée (> 0,75 ng/ml).
La sensibilité et la spécificité de l'association de ces signes sont estimées à environ 85 %.
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