Né en 1821 en Poméranie, Virchow participe activement à la révolution de 1848, ce qui lui vaut d'être exilé de Berlin jusqu'en 1856. C'est à Würzburg qu'il développe pour la première fois les principes de la théorie cellulaire, qui nourriront son uvre majeure, « die Zellularpathologie » (« la Pathologie cellulaire »), parue à Berlin en 1858. Il montre que les cellules sont « égales et complémentaires » et que chacune a sa fonction dans le cadre d'un ensemble plus vaste... à l'image des individus dans la société.
Comme l'explique le Pr Thomas Schnalke, actuel directeur du musée (1), ce n'est pourtant pas la théorie cellulaire qui a inspiré à Virchow sa vision sociale, mais l'inverse : il a trouvé dans la biologie la confirmation de ses idéaux politiques et assigne donc au médecin et au gouvernant une mission comparable : tous deux doivent veiller au fonctionnement harmonieux et égalitaire des cellules comme des individus et lutter contre la misère, la maladie et le manque d'hygiène. Pour Virchow, la politique n'est pas autre chose que « la médecine à l'échelle de la société », et il rappellera toute sa vie que « le médecin est l'avocat naturel des pauvres ».
Le Parti du progrès
Membre pendant quarante-trois ans du conseil municipal de Berlin et du Parlement prussien, mais aussi du Reichstag entre 1880 et 1893, Virchow crée en 1861 le Parti du progrès pour lutter contre le conservatisme prussien. Bismarck, son principal adversaire politique, ira jusqu'à le provoquer en duel en 1865, mais Virchow déclinera le combat. Pendant toutes ces années, il agrandit et modernise les hôpitaux berlinois, dote la ville d'un réseau de canalisations et fait construire des abattoirs et des marchés... tout en créant de nombreux musées, scientifiques ou artistiques. En 1893, à l'occasion de l'agrandissement de son propre institut, au cur de l'hôpital de la Charité, il décide de faire construire un musée pour abriter ses 20 000 pièces d'anatomie pathologique, et de l'ouvrir au grand public. Des organes sains, placés en regard des pièces pathologiques, permettent aux visiteurs de comparer leurs états respectifs. Virchow est aussi archéologue, anthropologue et ethnologue et laisse d'innombrables écrits politiques et scientifiques. Victime d'une mauvaise chute à 81 ans, il meurt le 5 septembre 1902 des complications de sa fracture du fémur.
Ouvert en 1899, son musée resta accessible au grand public jusqu'en 1918, puis fut réservé aux seuls médecins et étudiants. Les nazis, qui voyaient en Virchow un « rouge » et un ennemi de l'Allemagne, dénigrèrent systématiquement son uvre ; à la fin de la guerre, un bombardement détruisit la quasi-totalité des collections et endommagea gravement le bâtiment, qui resta pendant des années à l'état de ruine, dans ce qui devint le secteur oriental de Berlin. Bien que la RDA ait adulé Virchow en raison de son engagement politique, le musée ne fut partiellement rouvert qu'à la fin des années 1970 ; il fut entièrement restauré en 1998, huit ans après la réunification, et bénéficiera dans les années à venir de nouveaux agrandissements.
Une mission éducative
Aujourd'hui, outre les pièces sauvées en 1945, le musée a reconstitué ses collections anatomiques grâce à des pièces plus récentes. A côté du bureau, des microscopes et des livres utilisés par Virchow, il évoque d'autres grands noms de la médecine berlinoise, comme les ophtalmologistes Helmholtz et Von Graefe, et présente de nombreux appareils anciens. L'amphithéâtre, volontairement laissé à l'état de ruine, accueille des séminaires et des conférences. « Nous voulons faire de ce musée le musée de toute la médecine berlinoise, explique le Pr Schnalke, tout en conservant la mission éducative que Virchow avait voulue. »
Les visiteurs de la galerie d'anatomie pathologique peuvent, comme autrefois, comparer les organes malades avec des organes sains, mais aussi s'initier à la biologie et à la médecine légale, grâce à des montages audiovisuels et à des programmes interactifs.
Jusqu'au 1er décembre, le musée présente une exposition à l'occasion du centenaire de la mort de Virchow, « Entre la Charité et le Reichstag ». Elle retrace l'ensemble de son uvre, que ce soit en médecine, en politique ou en hygiène, et présente aussi ses travaux d'anthropologie et d'ethnologie, grâce aux prêts effectués par de nombreux autres musées.
(1) Berliner Medizinhistorisches Museum der Charité, Schumannstrasse 20/21, 10117 Berlin. Ouvert du mardi au dimanche de 10 heures à 17 heures, tél. 0049.30.45.03.36.199, www.bmm.charite.de, bmm@charite.de.
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