Les violences familiales sont devenues « un problème majeur ». Elles sont à l'origine de maladies, de consultations et d'hospitalisations fréquentes, de consommation élevée de médicaments et de drogues, licites ou non, et d'arrêts de travail répétés. Elles touchent principalement l'enfant et l'épouse, mais n'épargnent pas la mère, pour qui « le mineur devient peu à peu un tyran », ici et là : manque de respect, arrogance, insultes, menaces puis agressions, relève le Pr Roger Henrion dans une communication sur le sujet au nom de l'Académie nationale de médecine.
« Insidieuses », les violences intrafamiliales ont des « conséquences très graves tant au plan physique qu'au plan psychologique, laissant subsister de dramatiques séquelles. La victime, sous l'emprise de la honte, de l'humiliation, de la culpabilité et de la peur, est paralysée et subit les pires avanies, en cherchant parfois des excuses à son bourreau ». Aussi, poursuit l'académicien, « le rôle des médecins, souvent les premiers interlocuteurs, est primordial. Ils doivent savoir détecter, apprécier la gravité et orienter au mieux les victimes ».
Intégrer les violences conjugales dans la formation
Pour l'Académie, il faudrait d'abord disposer d'une connaissance actualisée des violences familiales. Cela nécessite le rencensement annuel des homicides conjugaux, des incestes (pour l'instant non différenciés des enfants objets de sévices sexuels) et des infanticides, inclus actuellement dans les homicides de mineurs âgés de 15 ans.
Une prévention dès l'école primaire et au collège, avec le concours actif des enseignants, comme ce qui existe au Canada, est indispensable.
Il est impératif de renforcer la formation initiale et continue du médecin sur l'enfance maltraitée et d'intégrer l'étude des violences conjugales dans cette formation. Dans le programme du deuxième cycle (internat) du 10 octobre 2000, la maltraitance à enfant figure dans le module n° 3, au n° 37, alors qu'il n'y a rien sur les violences conjugales.
Il faut aussi « inciter les praticiens à dépister au moindre soupçon », en diffusant des fiches de la direction générale de la Santé sur la procédure à suivre. Sur ce point, les articles 9 et 44 du code de déontologie sont formels : « Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne, s'abstient volontairement de le faire, est puni de 5 ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter par son action personnelle, soit en provoquant un secours ». Le code pénal précise que le secret n'est pas applicable « à celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives, de sévices ou privations dont il a eu connaissance et qui ont été infligés à un mineur de 15 ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique ».
Un « référent » dans les services de maternité
L'Académie complète ainsi le dispositif qu'elle propose : assurer la mise à l'abri de la femme violentée, par « une hospitalisation anonyme » et des « solutions d'hébergement d'urgence ». Plus en amont, il est proposé d'ouvrir des « lieux d'écoute et de prise en charge des hommes violents » et de prendre en compte le risque accru de violences conjugales dans le suivi des alcooliques, de certains usagers de drogues et des « personnes en situation de précarité ». Les consultations au cours de la grossesses doivent être « l'occasion de faire un diagnostic psychologique prénatal et de prévoir le risque ultérieur de maltraitance de l'enfant ». Dans le même temps, un « référent », dans les services de maternité, effectuerait « un suivi personnalisé de toutes les femmes en situation de vulnérabilité ».
Pour l'enfance en danger proprement dite des « unités mobiles, calquées sur celles des soins palliatifs », seraient d'un grand secours.
Selon l'Académie de médecine, rien, face à un tel fléau, ne remplacera « le contact humain ». Il appartient donc aux parents de ne jamais relâcher, dès la prime enfance, l'attention qu'ils portent à leurs enfants. « Renoncer à ne pas leur apprendre à contenir leur agressivité peut être l'amorce de violences ultérieures beaucoup plus graves », conclut le Pr Henrion en soulignant « les droits et les devoirs de la personne humaine ».
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