Avant que son mandat ne s’achève le 13 juin, le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), Jean-Marie Delarue, publie au « Journal officiel » du 23 avril 2014 deux documents dénonçant une nouvelle fois la surpopulation et les violences en prison.
Pour la quatrième fois en six ans, le CGLPL a saisi en urgence les autorités, au sujet des violences commises dans le quartier des mineurs de la maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault). En l’absence de réponse de la garde des Sceaux et de la ministre des Affaires sociales, il rend publiques ses observations.
Jean-Marie Delarue dénonce de très graves violences entre mineurs, commises hors des cellules, au cours des déplacements ou des promenades. Entre le 1er janvier 2013 et le 11 février 2014, 24 actes de violences graves ont été recensés ; un chiffre largement en dessous de la réalité, selon le contrôleur, qui évoque un « rite de passage » à l’entrée en prison.
Silence coupable des médecins
Le CGLPL constate « qu’aucune parade efficace à ces agressions n’a été mise en œuvre ». En cause, un personnel pénitentiaire démuni matériellement, une surveillance de la cour par caméra fixe trouée d’angles morts, des procédures d’intervention des surveillants trop lentes, des délais de convocation devant les commissions de discipline interminables, mais aussi, le silence des médecins.
Selon le document, les soignants de l’unité sanitaire, pourtant au fait des violences, ne souhaitent pas être liés à d’éventuelles suites judiciaires et le médecin responsable se refuse à produire les certificats à d’autres personnes qu’à l’intéressé, même s’ils sont à la disposition de tout expert nommé par la justice.
Contre la résignation face à ces violences, le CGLPL émet plusieurs recommandations comme la mise en place de procédures d’intervention plus promptes, une éducation au respect mutuel, l’établissement de liens de confiance avec les familles et la prise en charge des enfants en souffrance.
Il souligne aussi l’importance, de la part des médecins, d’émettre des signalements dès lors qu’ils ont évalué les conséquences corporelles des agressions.
Selon le CGLPL, le rapprochement de deux dispositions du code de déontologie médicale (R. 4127-10 et R. 4127-44) autorise ces signalements, puisque dans le cas d’un mineur ou d’une personne incapable, le médecin n’a pas besoin de l’accord de la victime de sévices pour s’adresser à la justice. Jean-Marie Delarue incite les soignants à adopter une conception large du signalement au profit des mineurs. « La protection que vaut au malade le secret médical, évidemment essentielle, n’a pas à se retourner contre lui. C’est ce qu’il adviendrait si aucun signalement n’était fait », conclut-il.
Encellulement individuel pour les handicapés
Dans un avis publié simultanément, Jean-Marie Delarue se penche sur la question de l’encellulement individuel, qui aujourd’hui, vise à protéger un détenu des violences et des menaces auxquels il serait soumis, tout en favorisant sa réinsertion ultérieure (grâce à la possibilité d’étudier).
Dans un contexte de « crise du logement pénitentiaire », la surpopulation conduit à doubler les cellules conçues pour une personne, à tripler celles destinées à deux. Au 1er mars 2014, la densité de la population dans les établissements pénitentiaires est de 117,8, et de 137,5 dans les maisons d’arrêt et les quartiers « maison d’arrêt » des établissements mixtes. Si bien que l’encellulement individuel reste un dispositif inopérant.
Adoptant le principe de réalité Jean-Marie Delarue propose de réserver ce dispositif à certaines catégories de personnes : celles souffrant de handicaps avec pertes d’autonomie, ou sourdes, muettes, ou aveugles ; des personnes âgées de plus de 65 ans, des personnes fragilisées, notamment par des affections mentales ; des étrangers ne comprenant pas le français.
Le CGLPL suggère que le Parlement étudie ce projet de disposition afin de le sanctuariser dans la loi.
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