Alors que vient d'être adopté le projet de loi renforçant la lutte contre la violence routière (voir ci-dessous), un colloque organisé par la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale en a analysé les enjeux, économiques notamment.
7 655 morts en 2002, plus de 24 000 blessés graves et près de 750 000 personnes déclarant souffrir d'au moins une déficience due à un accident de la route : ces chiffes laissent augurer du coût médical que peut représenter la violence routière en France.
Quel est-il exactement ? « Pendant très longtemps l'assurance-maladie a été insuffisamment présente dans ce domaine », reconnaît Daniel Lenoir, directeur de la CNAMTS. Le coût global de l'insécurité routière est de l'ordre de 27,8 milliards d'euros ; le coût médical était estimé en 1988 à près de 1,15 milliard d'euros.
Entre les 800 millions d'euros (dont 80 % sont liés à des accidents de la route) correspondant aux recours contre tiers de l'assurance-maladie en 2002 et les 3,5 milliards d'euros provisionnés par les assurances pour couvrir les accidents de la route, il est difficile de déterminer un coût exact.
En l'absence de registre national, seuls les accidents dans le cadre du travail bénéficient d'études de la part de l'assurance-maladie, qui évalue à 915 euros en moyenne le coût médical par accident. On peut extrapoler à partir de ces chiffres « des coûts médicaux remboursables atteignant au moins 2 milliards d'euros pour l'ensemble des dépenses de santé en France, soit presque 2 % de la dépense remboursable », précise Daniel Lenoir.
De plus en plus de traumatisés crâniens
« Si la grande majorité de victimes relève de la "bobologie", près d'une victime sur trois risque de conserver une séquelle plus ou moins invalidante », explique Bernard Laumont, épidémiologiste. Les coûts des séquelles à long terme pourraient, selon le Dr Thierry Judet, orthopédiste, être diminués par une meilleure organisation des soins en première intention, par exemple en faisant travailler en réseau des centres d'accueil d'urgence et des centres référents hyperspécialisés.
« On a de plus en plus de traumatisés crâniens graves, remarque de son côté Guillaume Rosenwald, de la FFSA (Fédération française des sociétés d'assurances), et on constate depuis quelques mois une augmentation de la gravité moyenne des accidents de la route. » Soixante-quinze pour cent des traumatismes crâniens en France sont en effet liés à des accidents de la voie publique, et pèsent très lourd dans la balance des coûts.
Le rôle des médecins
Le coût de la violence routière est d'autant plus insupportable qu'il est entièrement évitable. Jean-François Mattei est venu lui-même rappeler l'importance de la prévention et le rôle prépondérant du corps médical, en particulier de la médecine de ville.
Le ministre de la Santé a indiqué qu'une « évaluation systématique de l'aptitude médicale à la conduite » sera faite au moment de la délivrance du permis de conduire, puis selon une périodicité à déterminer. Les notices des médicaments seront également révisées afin de mettre en avant leurs effets sur la vigilance et la vision notamment.
« Toute politique de santé doit comporter un volet sur la violence routière, a-t-il expliqué. Nous devons également viser les facteurs de risque tels que l'alcool, les drogues et les médicaments psychoactifs, mais aussi l'état de santé des conducteurs. » La violence routière est l'un des cinq axes prioritaires de la prochaine loi de santé publique et les médecins de ville ont un rôle essentiel de prévention en ce qui concerne l'effet des médicaments et l'état de santé des conducteurs, notamment âgés.
Derrière le coût médical de l'insécurité routière, il faudra garder en tête son coût psychologique et social, qui peut d'ailleurs avoir un retentissement à terme sur la consommation des soins. « On croit qu'on a vu le pire, a raconté une intervenante, jusqu'à ce que l'on découvre qu'il y a un pire que le pire. »
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