Abolie le 10 octobre 1981 par le Parlement*, la peine capitale n'aura été condamnée par la population française elle-même que dix-sept ans plus tard, comme en témoigne un sondage IFOP donnant 54 % d'opinions hostiles à son rétablissement, confirmé par la SOFRES en 2000. C'était la première fois que les Français devenaient réellement et pleinement abolitionnistes depuis la double exécution de Buffet et de Bontemps, condamnés à mort en 1972 après la prise d'otage meurtrière d'une infirmière et d'un surveillant à la centrale de Clairvaux (Aube).
Pourquoi ce revirement récent ? « L'exemple américain, où l'on continue d'exécuter, y compris des mineurs et parfois des innocents, a dû conforter les citoyens dans leur choix. Ils préfèrent être classés parmi les pays abolitionnistes que du côté des autres, souvent les moins démocratiques », commente Amnesty International. Les Français, relève l'organisation de défense des droits de l'homme, ont même été à l'avant-garde du combat contre la peine capitale outre-Atlantique. Ainsi, le célèbre prisonnier américain Odell Barnes, exécuté au Texas en mars 2000, pour le meurtre de sa petite amie, a remercié la France mobilisée pour contester sa culpabilité. De son côté, l'ex-ambassadeur à Paris, Felix Rohatyn, a confessé, en février, que son séjour en France l'avait conduit à inviter ses concitoyens à « reconsidérer toute la question de la peine de mort ».
Encore 87 pays
non abolitionnistes
Si 108 Etats ont opté pour la fin de la peine capitale dans leur législation ou dans la pratique, 87 maintiennent encore ce châtiment extrême. Parmi les abolitionnistes, 75 le sont à 100 % et 13 maintiennent une exception pour les crimes commis en temps de guerre, tandis que 20 pays gardent leur ancienne loi mais n'ont procédé à aucune exécution depuis au moins dix ans. A partir de 1990, plus de trois pays viennent grossir leurs rangs chaque année, comme le Canada, le Paraguay, Hong Kong, la Côte d'Ivoire, l'Afrique du Sud, la Bulgarie et la Pologne. Dans l'autre camp, Amnesty a recensé l'an dernier 1 427 exécutions dans 28 pays et 3 058 condamnations (65 pays). C'est aux Etats-Unis, en Chine, en Arabie saoudite et en Iran que la peine capitale est le plus utilisée, avec 88 % des exécutions mondiales en 2000, dont un millier de Chinois, 123 Saoudiens, 85 Américains et 75 Iraniens.
« Une nouvelle étape
de civilisation »
En France, en dépit d'une forte polarisation conjoncturelle autour des questions de sécurité, la peine de mort appartient à une époque révolue. En revanche, les abolitionnistes d'hier considèrent comme « une nouvelle étape de civilisation » la fin des longues peines, de la perpétuité et des peines de sûreté. La sociologue Anne-Marie Marchetti y voit une cause profonde de la désespérance des détenus et un facteur déclencheur des violences dans les prisons. L'an dernier, le débat public sur l'état des prisons françaises a permis à de nombreux acteurs du monde carcéral de dire tout le mal qu'ils pensent de ces sanctions qu'ils apparentent à plus que des substituts à la peine de mort. Les prisons de l'Hexagone comptent actuellement 591 condamnés à perpétuité, contre 371 en 1981. Et si le projet de loi pénitentiaire, en cours de rédaction, supprime les peines de sûreté, elle maintient la réclusion à perpétuité. Cependant, avec la loi de présomption d'innocence du 15 juin 2000, une quinzaine de « perpétuité » ont déjà bénéficié de la libération conditionnelle (qui ne relève plus du garde des Sceaux), « ce qui est beaucoup plus que d'habitude », souligne-t-on à la Chancellerie. D'ici à la présidentielle, on devrait en rester là.
* L'Assemblée nationale organise du 10 au 31 octobre une expositions, dans la galerie des Tapisseries, sur le thème « Une grande loi de la République : l'abolition de la peine de mort ».
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