C’est sans doute un des paradoxes de ce XXIe siècle débutant, mais, à bien des égards, déroutant. Un juge décidera dans les heures qui viennent, non de la vie d’un accusé, mais de la mort d’une victime… Saisi en début de semaine par l’épouse de Vincent Lambert, un homme de 38 ans, depuis cinq ans en état quasi-végétatif, le Conseil d’Etat va en effet devoir dire si les médecins doivent arrêter les traitements. L’affaire renvoie de prime abord à une querelle de famille, mais qui en dit long sur la complexité des positionnements dans ce débat sur la fin de vie. Des parents proches des milieux catholiques traditionnalistes et des théories de la vie à tout prix... Une épouse et six frères et sœurs qui ne partagent pas ces convictions extrêmes. Et, a fortiori, un neveu, proche des partisans de l’euthanasie... Avec en médiateur, un responsable des soins palliatifs (catholique pratiquant encarté chez Christine Boutin) qui tente de trouver comme il peut le juste équilibre…
Dans ce dossier, les magistrats ne vont d’ailleurs pas seulement arbitrer un différent familial, mais aussi trancher à la place des praticiens. Quoiqu’on pense de ce feuilleton tragique, ce n’est pas bon signe. Une telle incursion du juridictionnel dans le médical en dit long sur la confusion autour de la législation sur la fin de vie et peut-être déjà – mais la haute juridiction le dira bientôt – sur son inadaptation. C’est la première fois que le juge prend ainsi le dessus sur le médecin. Et, souhaitons-le, la dernière, tant la vision d’hommes en noir dictant leur conduite aux blouses blanches dessine des perspectives quasi orwelliennes pour la médecine de demain…
Incroyables pouvoirs de la justice?! Dans l’immédiat, ce sont aussi – et surtout – les conséquences politiques de l’arrêt du Conseil d’Etat qui seront examinées à la loupe. S’il infirme la décision du tribunal administratif de Chalons-en-Champagne, c’est la fin de la survie pour Vincent Lambert, mais aussi l’affirmation que, dans le fond, la loi actuelle suffit à résoudre même des cas exceptionnels. à l’inverse, s’il devait confirmer l’interdiction pour les médecins d’interrompre les traitements, c’est le signe que notre législation sur la fin de vie est impuissante à empêcher l’acharnement thérapeutique et à susciter les directives anticipées des patients. Un deuxième cas de figure qui légitimerait d’autant l’intervention du gouvernement, qui souhaite aller au-delà de la loi Léonetti (jusqu’à la légalisation du suicide assistée, peut-être) mais qui, sur ce dossier très sensible, marche sur des œufs.
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