LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN : La Silver économie est encore peu connue. Comment la définiriez-vous ?
Vincent Rialle : La Silver économie rassemble toutes les forces économiques et créatives qui tournent autour du vieillissement. Elle a donné lieu à un contrat de filière signé en décembre 2013 par deux ministères. C’est aussi une vision de l’économie, sociale et solidaire, qui implique de nombreux bénévoles et le tissu associatif.
La Silver économie concerne essentiellement les technologies et les services innovants d’accompagnement à la personne. Ces technologies ouvrent de nouveaux possibles et suscitent des espoirs pour le maintien ou le soutien à domicile. Par exemple, un retour chez soi après une hospitalisation qu’on aurait jugé jadis difficile, lorsque la personne n’a pas de proche aidant, devient désormais possible. Ces technologies vont aider des aidants ou soignants à veiller sur des personnes fragiles, à la sécurité et au suivi de l’état ou de l’activité de ces personnes à distance. Surtout elles simplifieront et amélioreront la coordination des soins et des intervenants - aides à domicile, soignants, intervenants sociaux, etc.
La Silver économie apporte enfin les bénéfices des technologies de la communication. Il s’agit notamment de l’accès à l’information simplifiée pour les âgés et leurs aidants, et des réseaux sociaux capables d’alléger le fardeau des aidants familiaux (en leur permettant de trouver quelques heures de bénévolat, de partager leurs expériences et de s’enrichir d’une écoute mutuelle).
Tous les médecins ne sont pas convaincus par ces nouvelles technologies. Quels sont les freins ?
Les généralistes et les médecins de ville ne se posent guère la question car la Silver économie n’est pas entrée de plain-pied dans le monde médical. Néanmoins, plusieurs initiatives sont venues de médecins : la SFTAG a été créée par un médecin gériatre. Des formations se développent. Un DIU de gérontechnologie a démarré il y a 7 ans. Nous avons ouvert un master 2 avec spécialité gérontechnologie à l’Université de Grenoble-Alpes, qui attire des médecins en formation continue.
Pour s’y intéresser, les généralistes doivent pouvoir bénéficier concrètement de la Silver économie. Il faut aussi que ces technologies franchissent les portes des hôpitaux et des cliniques, notamment pour les retours à domicile de cas difficiles.
De nombreux freins demeurent, à commencer par le manque de coordination entre les professionnels et la coupure persistante entre le médical et le social. Mais le mouvement - nourri par la loi HPST, les maisons de santé pluriprofessionnelles ou le dispositif PAERPA [personnes âgées en risque de perte d’autonomie], est irréversible.
Comment éviter les dérives de la Silver économie ?
La technologie suscite la crainte de dérives d’une société « hypertechnicisée », où les actions humaines sont robotisées, où tout est marchandise. Mais la maltraitance et la déshumanisation des soins n’attendent pas la technologie : elles prennent par exemple la forme du manque de temps des soignants, à leur corps défendant, dans nombre d’EHPAD.
L’abondance technologique suppose une réflexion éthique permanente. La Silver économie doit être pensée en fonction des vrais besoins, des plus basiques aux plus élevés. Les technologies doivent accompagner les métiers et les professionnels et faciliter des actions nécessaires, comme la coordination, la surveillance médicale ou sociale, ou l’accès à l’information.
Quant aux robots, ils font beaucoup parler d’eux. Mais de là à les utiliser demain, non : ils coûtent chers, n’ont pas été suffisamment évalués, et pour la plupart n’ont pas été conçus à travers une démarche participative impliquant les usagers et les soignants ou accompagnants sociaux.
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