Vincent Lambert : le rapporteur du Conseil d’État se prononce contre le maintien en vie

Publié le 20/06/2014
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Crédit photo : S. Toubon

Le rapporteur public du Conseil d’État s’est prononcé ce vendredi 20 juin contre le maintien en vie de Vincent Lambert, tétraplégique en état végétatif chronique depuis six ans.

Le Conseil d’État n’a pas tant à décider de la vie ou de la mort de l’ancien infirmier psychiatrique, qu’à se prononcer sur la légalité de la procédure mise en œuvre par l’équipe du Dr Kariger au CHU de Reims. Précisément, Rémi Keller a recommandé l’annulation de la décision du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, qui s’était prononcé pour le maintien en vie de Vincent Lambert, après que le CHU de Reims, où est hospitalisé le patient, avait décidé d’arrêter l’alimentation et l’hydratation artificielle.

« Nous ne proposerons pas de confirmer le jugement du tribunal ; la décision d’interrompre le traitement de Vincent Lambert correspond aux conditions de la loi de 2005 » sur la fin de vie, a-t-il déclaré. Il a notamment rappelé que, d’après une récente expertise médicale demandée par le Conseil d’État en février aux Prs Marie-Germaine Bousser, Jacques Luauté et Lionel Naccache, « Vincent Lambert est en état végétatif totalement inconscient. Le traitement n’a pas d’autre effet que de le maintenir artificiellement emmuré dans son état », a-t-il affirmé. Les experts avaient en effet conclu à la « compatibilité des résultats des explorations cérébrales avec un état végétatif » et « au caractère irréversible des lésions cérébrales », avec un mauvais pronostic clinique.

Déchirements familiaux

Vincent Lambert avait, selon son épouse et un de ses frères, « exprimé à plusieurs reprises son souhait de ne pas être maintenu dans un état de dépendance, si cela devait lui arriver un jour. La voix de Vincent Lambert nous apparaît, ainsi, certes tenue et fragile, mais constitue un élément du dossier que vous ne pouvez pas ignorer », a poursuivi Rémi Keller.

Certes, a-t-il noté, les membres de la famille du patient sont en désaccord : les parents, catholiques traditionalistes, ainsi qu’un frère et une sœur se battent pour le maintenir en vie, contre l’avis de l’épouse, du neveu, de 6 autres frères et sœurs et du corps médical, qui refusent l’obstination thérapeutique.

« Si vous deviez interdire un arrêt de traitement au seul titre que des membres de la famille s’y opposent, vous leur donneriez un droit de veto que le législateur n’a pas voulu leur apporter », a estimé le rapporteur.

Décision mardi 24 juin

Les 17 membres de l’assemblée du contentieux du Conseil d’État rendront leur décision le 24 juin à 16 heures. Elle sera définitive ; aucun recours ne pourra lui être fait. Ils ont entre les mains, outre la nouvelle expertise médicale, quatre avis portant sur l’application de la loi de Leonetti, issus de l’Académie nationale de médecine, du Comité consultatif national d’éthique, du Conseil national de l’Ordre des médecins, et de Jean Leonetti en personne.

« Si vous suivez les requérants, ce sera la première fois de votre histoire, que vous, juges des libertés, prononcerez une décision irrémédiable », a déclaré Maître Claire Le Bret-Desaché, avocate des parents.

« Imaginez un instant que cet homme soit votre fils, ce fils qui n’est pas atteint d’une maladie grave (...) qui n’est pas en fin de vie, ce fils qui ne souffre pas, mais ce fils lourdement handicapé, en état de dépendance, dont l’état est stabilisé », a-t-elle affirmé, expliquant que Vincent Lambert « dort, se réveille, ouvre les yeux, sourit, pleure, suit du regard ». Et de lire une lettre de la mère.

Le Dr Kariger espère de son côté que la décision que prendra le Conseil soit « suffisamment explicite pour que cela apporte une réponse claire à tous les patients qui sont ou seront dans la même situation ».

Coline Garré

Source : lequotidiendumedecin.fr