L E hasard devient de moins en moins crédible. A mesure que les mois et les semaines passent, la liste des cas de cancer relevés chez des enfants résidant sur l'ancien site de l'usine Kodak de Vincennes (fermée en 1986) ne cesse de s'accroître jusqu'à arriver au nombre de sept. « Nous suspectons encore d'autres cas. Mais nous ne pouvons pas en faire état avant d'en avoir été totalement sûrs », indique le toxicologue Henri Pezerat, membre du Collectif Vigilance Franklin, qui ne se satisfait pas des récentes conclusions du comité scientifique. « Le comité d'experts est désespérant », estime-t-il.
Comme l'avait suggéré le Pr Jacques Drucker, directeur général de l'Institut de veille sanitaire, dans un entretien avec « le Quotidien » du 18 mai, le comité scientifique considère aujourd'hui que la « survenue chez des enfants résidant sur ou à proximité de l'ancien site industriel Kodak à Vincennes justifie de mener une évaluation des risques sanitaires élargie à l'ensemble du site ».
Il demande donc que l'historique du site et sa caractérisation environnementale soient réalisés très rapidement afin de pouvoir élaborer un protocole d'évaluation. Kodak devrait déjà rendre publique, le 15 juin, la situation des lieux de stockage ayant abrité des produits chimiques lorsque l'entreprise était en activité. Mais Henri Pezerat estime que « l'on ne peut pas se contenter d'attendre la caractérisation du site. Il faut que des analyses d'air et de sol soient engagées dès maintenant dans les deux crèches (du quartier) et dans les six immeubles du voisinage où ont demeuré les mères pendant leur grossesse et les enfants après leur naissance ».
Etudes épidémiologiques
En ce qui concerne la question des études épidémiologiques, le comité scientifique considère qu'elle doit faire l'objet d'une expertise complémentaire s'appuyant sur l'analyse des données démographiques, dont celles transmises par la mairie de Vincennes relatives aux enfants nés dans le quartier depuis le 1er janvier 1990. Le comité devrait statuer sur la pertinence et la faisabilité de ces études lors de sa prochaine réunion, le 9 juillet. « On ne peut pas nous refuser une enquête épidémiologique sous prétexte qu'elle ne sera pas exhaustive, s'insurge Henri Pezerat. Il faut comparer la liste qui sera fournie par la municipalité à celle des enfants ayant consulté pour des cas de tumeurs dans les services de pédiatrie spécialisés ». Pour l'heure, le comité estime que la réalisation de tests biologiques auprès des enfants n'est pas justifiée.
Par ailleurs, le comité a examiné la demande du Collectif Vigilance Franklin de réaliser des tests de génotoxicité sur les échantillons prélevés par l'INERIS (Institut national de l'environnement industriel et des risques) le 2 juin dernier à l'intérieur de l'école Franklin-Roosevelt et dans deux caves d'un immeuble jouxtant l'ancien site Kodak. Mais la réponse du comité d'auditionner, dès cette semaine, « les experts spécialistes dans ce domaine afin de se prononcer sur la pertinence de ces tests pour apporter des informations utiles à la démarche d'évaluation des risques sanitaires » n'a pas convaincu Henri Pezerat. Selon lui, le comité « botte en touche. Il paraît pourtant indispensable de recourir à des tests donnant directement le caractère mutagène ou clastogène des produits extraits des sols dans l'école, sur l'ancien site Kodak et son voisinage ».
Lors de sa prochaine réunion, le 9 juillet, le comité scientifique doit définir précisément le cahier des charges des investigations environnementales à effectuer. Ces propositions, qui doivent être ensuite soumises au comité de suivi, seront sûrement insuffisantes et trop lentes à mettre en place aux yeux des parents et des enfants concernés.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature