« Boire du vin avec modération est bon pour la santé » : largement répandue, cette croyance est une simplification du « french paradox », révélé il y a une dizaine d'années et fondé sur des données épidémiologiques étrangères. Elles concluaient que les Français étaient moins exposés aux maladies cardio-vasculaires grâce à leur alimentation et, notamment, à leur consommation en vin rouge.
Dix ans plus tard, le bilan de la recherche produit un discours beaucoup plus nuancé. « Consommer du vin n'a pas forcément et systématiquement une action bénéfique sur la santé », tempère le Pr Ludovic Drouet, chef du service d'hématologie biologique de l'hôpital Lariboisière et président du comité scientifique Vin et Santé de l'ONIVINS. Si les propriétés antioxydantes des polyphénols du vin sont bien connues, tandis que les effets vasorelaxant et antihypertenseur de certains composants phénoliques ont été prouvés, « le vin ne se résume pas à une molécule », avertit le Pr Drouet. En outre, les différentes composantes du vin doivent être absorbées, métabolisées - or « il s'agit de molécules complexes ». Et la métabolisation s'effectue par le truchement de la flore digestive, dont la composition est fonction des habitudes alimentaires de chacun.
Alzheimer ou cirrhose
Bref, le discours est moins affirmatif, plus nuancé, plus circonspect. Si, globalement, les études confirment une corrélation entre une consommation (très) modérée de vin rouge* et une baisse des risques de mortalité, à y regarder de plus près, les choses sont beaucoup plus complexes.
En matière de maladies cardio-vasculaires, le vin a une activité antithrombotique réelle. En revanche, c'est l'alcool en général qui aurait un effet bénéfique contre l'athérosclérose. Des études néerlandaises consacrées aux effets du vin sur les fonctions cognitives chez la femme ont mis en évidence une importante réduction du risque d'apparition d'Alzheimer (85 %) et de démence mentale (75 %), avec une consommation de quatre verres de vin par jour. Mais les risques de cirrhose sont démultipliés chez la femme à partir de trois verres par jour...
Le lien entre vin et cancer mobilise aujourd'hui un nombre incalculable de chercheurs. Selon les études les plus récentes, boire un à deux verres de vin par jour (soit 10 à 20 g d'alcool) diminuerait de 20 % le risque de cancer du larynx, du pharynx, de l'œsophage ou encore du poumon. En revanche, une consommation ne serait-ce que légèrement excessive????????
Selon les modes de consommation
L'équilibre entre effets bénéfiques et néfastes du vin sur la santé est donc extrêmement fragile. Tout repose sur l'appréciation de la « modération » et sur les modes de consommation, mais aussi sur la sensibilité de chacun à l'alcool, en fonction de l'âge, du sexe, du poids, de l'hygiène de vie, etc.
Les femmes sont plus sensibles aux effets délétères de l'alcool en général, leur masse musculaire étant plus faible. Mais elles sont aussi davantage exposées aux risques de cancer des voies aérodigestives. Facteur de risque aggravant pour le cancer du sein, les boissons alcoolisées pourraient augmenter ce risque dès 10 g par jour, c'est-à-dire dès le premier verre. Il est donc conseillé aux femmes de boire deux fois moins que les hommes.
La consommation d'alcool a nettement baissé au cours des quarante dernières années en Europe, accusant un recul de 40 %. Et la consommation de vin a baissé d'autant ces vingt dernières années. On constate en fait une homogénéisation des modes de consommation d'alcool à travers l'Europe, essentiellement due à une moindre consommation de vin. Si le vin de table reste d'usage chez les plus de 40 ans, les jeunes accusent une consommation d'alcools variés, essentiellement en fin de semaine, et réservent le vin à un usage festif et convivial. Entre 1980 et 1998, la mortalité liée à l'alcool a baissé de 42 %, mais elle reste 5 fois supérieure chez les hommes que chez les femmes, et 3 fois supérieure chez les ouvriers que chez les employés et les cadres.
Bref, « le vin reste une boisson alcoolisée », réaffirme le Dr Jeanne Etiemble, directeur du centre d'expertise collective de l'INSERM. Et comme le rappelle le Pr Jean-Paul Broustet, cardiologue, « la dépendance commence avec le besoin d'un verre chaque soir » et l'alcoolisme continue de faire des ravages, quic euxc sont bien connus... Ludovic Drouet précise, s'il le faut, que « le vin ne sera jamais un médicament (...) Ses effets bénéfiques ne peuvent être mis en avant que dans la globalité d'une politique alimentaire préventive, dans le cadre général d'une hygiène de vie ». Une conclusion que partage le Pr Jean-François Rossi, chef du département hématologie-oncologie au CHU de Montpellier et président du conseil scientifique et technique de l'institut européen Vin et Santé des régions viticoles. Selon lui, la recherche doit « aujourd'hui s'attacher à faire l'inventaire des molécules et des principes actifs » que contient le vin rouge.
* Le vin blanc a une moindre teneur en polyphénols liée à une macération plus courte.
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