La glycoprotéine P joue un rôle important dans le transport de nombreuses substances, en particulier des antirétroviraux. Dans l'intestin, par exemple, elle limite la pénétration des médicaments, mais elle est aussi présente dans d'autres membranes apicales au niveau du cerveau, des testicules, de la barrière foeto-maternelle. On la retrouve également dans les cellules souches hématopoïétiques.
On sait que le gène de multirésistance MDR1 (MDR : Multidrug Resistance) code pour cette P glycoprotéine, mais aucune étude n'avait encore exploré le rôle du polymorphisme MDR1 sur la réponse immunitaire et virologique sous antirétroviraux. C'est l'objet du travail présenté par Jacques Fellay et coll. dans le « Lancet ».
Trois groupes de patients ont été étudiés. D'abord, 67 qui avaient déjà un traitement au long cours soit par inhibiteur de la protéase (nelfinavir, 1 250 mg trois fois/j), soit par inhibiteur de la transcriptase inverse non nucléosidique (efavirenz, 600 mg/j). Ensuite, 56 qui ont été recrutés de manière prospective et ont reçu le même traitement et aux mêmes doses. Différents variants du MDR1 ont été recherchés (mutations au niveau de la zone flanquante 5' ou de l'exon 26) et mis en relation avec les taux plasmatiques d'antirétroviraux mesurés par chromatographie (exprimés en percentile). De même ont été identifiés les différentes isoenzymes du P450 (CYP3A4, CYP3A5, CYP2D6, CYP2C19, intervenant dans le métabolisme des inhibiteurs des enzymes viraux) et mesurés les niveaux d'expression de la glycoprotéine P.
Enfin, 80 autres patients ont été inclus dans deux essais cliniques qui tentaient d'évaluer la réponse immunitaire par l'analyse des sous-populations CD4 en fonction du génotype MDR1 (en particulier les CD4 naïfs).
Des taux plasmatiques d'antirétroviraux différents
Le résultat le plus significatif de cette étude est qu'un polymorphisme particulier de MDR1 (3435 C-T sur l'exon 26) est associé à des taux plasmatiques d'antirétroviraux différents. Les concentrations les plus basses ont été obtenues avec le génotype TT (35e percentile), les plus hautes avec le génotype CT (75e percentile), les hétérozygotes avaient un taux moyen au 50e percentile.
Le profil était le même pour l'efavirenz (NNRTI) que pour le nelfinavir (IP), alors que la glycoprotéine P sert de transporteur au seul nelfinavir.
A un moindre degré que pour MDR1, une association particulière a été observée entre le génotype CYP2D6 et les concentrations des deux types d'antirétroviraux : ceux dont le phénotype exprime un métabolisme rapide avaient des taux plus élevé que les métaboliseurs rapides (percentile 65,2 contre 45).
L'élévation des CD4
L'élévation des CD4 était bien meilleure après six mois de traitement pour le génotype MDR1 TT que pour le génotype MDR1 CT ; de même pour les CD4 naïfs.
« Les différents variants de l'allèle MDR1 sont une base moléculaire potentielle pour expliquer les différences interindividuelles dans le profil de la réponse immune CD4 observée après l'instauration du traitement », expliquent les auteurs. Ainsi, à partir de de la détermination des génotypes du MDR1, et à un moindre degré du CYP2D6, on pourrait prédire les concentrations plasmatiques d'antirétroviraux. Les auteurs soulignent « l'intérêt d'explorer le rôle de l'inhibition de la glycoprotéine P dans la prise en charge des patients infectés par VIH1 ».
Son rôle est encore controversé, mais elle agirait sans doute sur la protection des cellules souches pluripotentes contre les substances toxiques.
Elle pourrait également affecter directement la virulence et la libération du virus avant tout traitement. Tout cela devra être exploré, de même que les variations ethniques de la distribution des différents variants du MDR1, afin d'améliorer la prise en charge des patients infectés par VIH1.
Jacques Fellay et coll., « Lancet » du 5 janvier 2001, vol. 359, p. 3036.
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