Le mécanisme physiopathologique à l'origine du développement du sarcome de Kaposi chez les patients infectés par le VIH demeure inconnu. Cependant ont déjà été évoqués le rôle du processus inflammatoire via les cytokines et les facteurs de croissance, ainsi que celui de l'infection herpétique (HHV-8), souvent associée au VIH.
Le cas que rapporte le Dr Jennifer Webster-Cyriaque (Université de Caroline du Nord, Etats-Unis), dans le « New England Journal of Medicine », donne un nouvel éclairage des mécanismes en cause.
Un homme de 38 ans infecté par le VIH a, en effet, développé un sarcome de Kaposi au niveau de l'incision chirurgicale, 6 jours après une biopsie de la glande salivaire accessoire labiale.
L'intervention était réalisée dans le cadre du bilan d'une atteinte des glandes salivaires : sécheresse buccale (xérostomie) et hypertrophie modérée des parotides, chez un patient traité pour une infection à VIH et mal contrôlé par les antiviraux (CD4 = 621/mm3, charge virale de 189 000 copies/ml). L'histoire médicale de ce patient ancien fumeur (25 à 50 paquets-années) et ancien usager de drogues (injections 20 ans avant) était déjà longue : lupus érythémateux aigu disséminé, hypertension artérielle, hépatite C, lithiase vésiculaire, hépatomégalie, condylome anal et arthrite. Il n'avait pas d'allergie connue, mais tolérait mal les antirétroviraux. L'intervention a été complétée par un prélèvement de gorge (lavage) dont l'analyse par PCR a montré la présence d'ADN du HHV-8. Le virus n'a pas été cependant détecté ni au niveau des lymphocytes circulants, ni dans la glande salivaire biopsiée.
Tumeur bourgeonnante vascularisée
Dans les 6 jours suivants, une tumeur bourgeonnante vascularisée de 3 x 3 cm est apparue sur la muqueuse au niveau de l'incision. La lèvre inférieure était tuméfiée et douloureuse. Le patient a alors été traité pour un hématome surinfecté et mis sous antibiotiques pendant 7 jours.
Un semaine plus tard, la lésion s'était encore développée et avait cette fois un aspect pédiculé provoquant la désunion des sutures. La douleur irradiait à la joue et au cou, une adénopathie bilatérale était perçue à la palpation du cou.
La tumeur a alors été biopsiée et la suture refermée.
Le diagnostic de sarcome de Kaposi est évoqué devant la prolifération vasculaire et des cellules fusiformes. Des antigènes viraux précoces du HHV-8 ont été retrouvés dans les macrophages des vaisseaux, dans les cellules épithéliales, les cellules fusiformes et les lymphocytes de la lésion, de même que de l'interféron gamma, de l'interleukine 6, des facteurs de croissance de l'endothelium vasculaire et des fibroblastes.
L'évolution ultérieure a été marquée par l'apparition de nouvelles lésions : l'une au menton dont l'aspect clinique histologique (ulcérations avec de nombreux polynucléaires) était compatible avec une infection à herpès virus ; l'autre au niveau du scrotum (petite et violacée) qui n'a pas été biopsiée.
La lésion primaire, elle, a continué de se développer avec une intensification de la douleur et des saignements qui ont nécessité une cautérisation.
Guérison en 6 semaines
Seule une radiothérapie localisée de la lèvre et du menton (40 Gy en 2 séances) a permis la guérison en 6 semaines de toutes les lésions, y compris celle du scrotum non irradiée. Deux ans après, le patient restait indemne de toutes lésions.
Selon l'auteur, cette observation est évocatrice d'un phénomène de Köbner : développement d'une lésion spécifique (syndrome de Kaposi) après un traumatisme non spécifique (incision de la muqueuse). « Dans ce cas, c'est le traumatisme qui a entraîné des phénomènes inflammatoires qui, secondairement, ont provoqué l'infection du site par le HHV-8. » Des macrophages infectés ont probablement colonisé les lésions afin d'aider à leur cicatrisation, exacerbant le phénomène inflammatoire. Les cellules épithéliales jouent le rôle de réservoir potentiel du virus.
« New England Journal of Medicine », vol. 346, n° 16, 18 avril 2002, pp. 1 207-1 209.
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