Parmi les patients traités par trithérapie à doses efficaces (HAART) et en échec virologique (charge virale non indétectable), 75 % sont infectés par un virus résistant à au moins un antirétroviral. Cette donnée américaine est confirmée par une étude espagnole récente portant sur 540 patients dont 221 ont subi un test génotypique. Elle a montré par ailleurs que 55 % des souches analysées étaient résistantes à deux classes d'antirétroviraux, 22 % aux trois classes.
La transmission des germes résistants
Plus inquiétant, cette résistance ne concerne pas seulement les patients qui ont déjà été exposés à des traitements multiples, mais également les patients naïfs. Les germes résistants se transmettent d'un patient à l'autre, avec une incidence estimée à 4 à 10 % des nouvelles infections.
La lutte contre cette résistance passe par la prévention et la recherche d'une meilleure observance des patients traités, mais aussi par la mise au point de nouvelles molécules qui ciblent un mécanisme différent du cycle infectieux. Les « inhibiteurs d'entrée », contrairement aux trois classes antérieures qui agissent à l'intérieur de la cellule lymphocytaire en inhibant une enzyme de la réplication virale, tentent d'empêcher la pénétration du virus dans la cellule. Le T20 (enfuvirtide), des Laboratoires Roche et Trimeris, est le représentant de cette classe thérapeutique. Il inhibe la « fusion » du virus à la cellule hôte juste avant l'intégration du matériel génétique viral dans le génome. T20 est en effet une molécule peptidique de synthèse qui correspond à une séquence d'une protéine virale, gp41, impliquée dans la liaison entre le virus et le récepteur des T-CD4, la gp120. L'intégration de T20 empêche le réarrangement nécessaire à la fusion du virus et de la cellule hôte.
Des patients en échec virologique
Les essais précliniques de cette molécule, découverte à l'université de Duke (Etats-Unis) ont débuté dès 1993. Elle représente un espoir pour tous les patients en échec thérapeutique sévère (virus résistant aux trois classes du traitement standard), et fait l'objet de deux études de phase III, TORO 1 et TORO 2. Leurs résultats à 24 semaines, présentés au 14e Congrès mondial sur le SIDA de Barcelone, ont été jugés « spectaculaires ».
Les patients recrutés dans ces deux essais étaient déjà lourdement traités et en échec virologique (charge virale supérieure à 500 copies/ml). Des tests génotypiques et phénotypiques réalisés à l'entrée ont permis, pour chacun d'entre eux, de déterminer un traitement standard optimisé incluant 3 à 5 antirétroviraux, dont les plus récents. Les patients ont ensuite reçu soit le traitement optimisé seul, soit en association à T20 (90 mg en auto-injection sous-cutanée, deux fois par jour).
TORO 1, conduite aux Etats-Unis et au Brésil, et TORO 2, en Australie et en Europe (9 pays dont la France) ont inclus 1 000 patients dans 112 centres. L'inhibiteur de fusion a permis une réduction significativement plus importante de la charge virale dans le groupe T20 que dans le groupe témoin (différence = 0,93 pour TORO 1 et 0,78 pour TORO 2).
Bien plus, 37 % contre 16 % dans l'essai TORO 1 et 28 % contre 14 % dans l'essai TORO 2 sont parvenus à une charge virale indétectable. De même, l'augmentation des TCD4 est en moyenne significativement plus élevée dans les deux groupes T20 (76 contre 32/mm3 dans le premier essai, 65 contre 38/mm3 dans le second).
Une étude réalisée chez l'enfant et l'adolescent a montré, après adaptation des doses par rapport au poids corporel, une efficacité similaire à celle de l'adulte.
La nature protéique de la molécule oblige à une injection sous-cutanée, mais le traitement reste bien toléré. La plupart des patients (98 %) ont eu des réactions au site d'injection, mais seulement 3,3 % des patients ont dû interrompre leur traitement.
Depuis novembre 2001, 500 patients supplémentaires (450 adultes et 50 enfants) sont inclus dans une nouvelle étude. Après huit semaines de traitement, 65 % des patients se déclarent satisfaits des modalités du traitement (« très facile » ou « facile ») qui n'entravent pas leur vie quotidienne. Le changement du site d'injection est préconisé. D'autres effets secondaires à type de diarrhées, nausées, fatigue, céphalées ont été rapportés, mais leur association au T20 n'a pas été établie.
La molécule n'est pas encore commercialisée, mais le processus est en cours.
14e Congrès mondial sur le SIDA, Barcelone.
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