L A néphropathie associée au VIH1 est la principale cause de maladie rénale chronique chez les patients infectés par le VIH1 ; elle est même devenue la troisième cause d'insuffisance rénale terminale chez les Noirs de 20 à 64 ans.
Jusqu'à présent, la néphropathie semblait relativement tardive dans le cours de l'infection par le VIH. L'observation rapportée aujourd'hui par Jonathan Winston et coll. montre que ce n'est pas toujours le cas.
L'histoire est celle d'un homme de 35 ans, hospitalisé pour l'existence, depuis six semaines, d'une fatigue avec perte de poids, douleurs abdominales, diarrhée et sueurs nocturnes. Quelques jours avant l'admission sont apparus un rash (papules érythémateuses) et des adénopathies cervicales et inguinales, fermes et indolores. A deux reprises, douze et quatre mois plus tôt, un test VIH avait été négatif.
A l'entrée, la créatinine sanguine est à 168 μmol/l, l'albuminémie à 16 g/l et la bandelette montre une protéinurie à 3 g/l. On refait un test VIH qui est maintenant positif. L'ARN VIH est à 750 000 copies/ml, les CD4 à 459/mm3. La protéinurie des 24 heures est à 17 g. La créatinine monte rapidement à 336 μmol/l. On fait une biopsie rénale. La fièvre persiste, le rash s'aggrave, la créatinine monte encore. Une trithérapie (zidovudine, lamivudine, nelfinavir) est commencé à J14. A J15, la créatinine atteint 557 μmol/l), le rash devient prurigineux et morbilliforme. On commence l'hémodialyse à J18 ; alors, la fonction rénale se stabilise, puis s'améliore. Le patient quitte l'hôpital à J39 avec sa trithérapie, alors que sa créatinine sanguine est à 248 μmol/l), que l'ARN VIH est devenu indétectable (< 50 copies/ml) et que la protéinurie a baissé. Au bout de six semaines de trithérapie, la créatinine sanguine est à 124 μ/l et la protéinurie à 1,5 g/j. On fait une deuxième biopsie rénale à trois mois.
Régression à l'histologie
Il est intéressant de comparer les deux biopsies rénales.
La première (avant traitement) montre des foyers de collapsus vasculaire avec glomérulosclérose (les deux tiers des glomérules), un œdème tubulo-interstitiel diffus, des dilatations tubulaires formant des microkystes, une hypertrophie des podocytes, un infiltrat inflammatoire ; cela concorde avec une sévère néphropathie associée au VIH.
La deuxième biopsie (après traitement) ne montre plus que qu'une rare (deux glomérules sur neuf) glomérulosclérose segmentaire, sans collapsus ni hyperplasie des podocytes. L'atteinte tubulo-interstitielle a nettement diminué ; il n'y a plus de microkystes, l'infiltrat inflammatoire a complètement disparu, il y a restauration complète des pieds des podocytes. L'expression de la synaptopodine (un marqueur des podocytes matures), qui était presque absente à la première biopsie, est restaurée à la seconde.
Persistance du VIH dans le rein
Dans les deux biopsies, on retrouve de l'ARN VIH1 dans les cellules épithéliales tubulaires et dans les podocytes ; le nombre des cellules épithéliales atteintes est le même dans les deux biopsies.
Dans la première biopsie, l'ADN a une forme circulaire (forme qui survient après transcription et import nucléaire d'ADN proviral), ce qui signe une infection récente ; en revanche, il n'y a plus de forme circulaire dans la deuxième biopsie, ce qui suggère que le traitement a bloqué l'infection dans les cellules rénales.
Cette observation est intéressante sur plusieurs points :
- l'infection rénale est survenue tôt, contrairement aux cas précédents ;
- l'infection a bien répondu au traitement ; de façon surprenante, malgré une sclérose, la plupart des lésions, y compris les microkystes, ont été réversibles ;
- malgré la trithérapie, l'ARN a persisté dans le rein, ce qui suggère que le rein est un important réservoir de VIH.
« Cette observation, indiquent les auteurs, suggère qu'une réduction de la charge virale plasmatique et de l'infection rénale (comme le suggère l'absence d'ADN circulaire dans le rein) peut améliorer les anomalies morphologiques et fonctionnelles de la néphropathie associée au VIH. Cette réponse à une intervention précoce souligne l'intérêt de rechercher une protéinurie chez les patients infectés par le VIH. »
« Nos résultats suggèrent que les cellules épithéliales (comme les cellules mononucluéées sanguines périphériques) peuvent être un réservoir persistant d'ARN VIH et que toute interruption du traitement pourrait conduire à une rapide formation de virions infectieux. »
« New England Journal of Medicine » du 28 juin 2001, pp. 1978-1984.
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