Le nombre considérable de variants du VIH1 est en faveur de l'existence de recombinaisons génétiques à l'intérieur des cellules coïnfectées par deux souches de VIH1. La coïnfection par deux souches virales distinctes, à deux moments différents dans l'histoire de la maladie, répondant à la définition de « superinfection » à VIH, est une autre éventualité qui n'a jamais été totalement prouvée.
On pense plus généralement que l'immunité provoquée par la pénétration de la première souche virale, bien qu'elle soit partiellement efficace, induit une immunité de « superinfection ». Elle protège d'un nouvel envahissement viral, après la primo-infection, alors qu'une sorte d'équilibre s'est établi entre l'immunité de l'hôte et le virus.
Les cas d'infection simultanée par deux souches distinctes de VIH au moment de la primo-infection sont plus fréquemment décrites. Elles ne correspondent pas à la définition de superinfection. Chez le chimpanzé, il a été possible d'induire une superinfection expérimentale à VIH1. A noter que chez l'animal (chimpanzé superinfecté par le VIH1 et macaque superinfecté par le SIV), la deuxième infection provoque une altération plus lente de l'immunité.
Longtemps après la première infection
L'observation rapportée cette semaine par des infectiologues de l'université de Genève dans le « New England Journal of Medicine » livre un faisceau d'arguments convaincants en faveur de la possibilité d'une superinfection à VIH1, longtemps après la première infection.
Le cas est celui d'un patient de 38 ans initialement infecté par un sous-type AE, prévalent dans le Sud-Est asiatique, en novembre 1998. Cet homme qui avait eu des rapports sexuels avec de multiples partenaires masculins a été mis sous quadrithérapie (zidovudine, lamivudine, abacavir, amprenavir) dès le diagnostic de primo-infection par le VIH. A cette époque, comme toujours après une primo-infection, le patient présentait une importante virémie (antigénémie p24 > 100 pg/ml, VIH1-RNA : 805 000 copies/ml). L'homme a répondu favorablement au traitement HAART (VIH1-RNA : 50/ml) et a présenté un état stable durant vingt-huit mois. Pendant toute cette période, le seul virus détecté était de sous-type AE.
En février 2002, trois mois après avoir interrompu le traitement antirétroviral en raison d'une toxicité hépatique et trois semaines après avoir eu des contacts sexuels au Brésil, le patient a présenté un premier rebond virémique (VIH1-RNA : 80 000/ml) suivi d'une baisse transitoire de la réplication virale, puis d'un second rebond (de 200 000 à 400 000 copies/ml). Le patient, qui présentait par ailleurs des symptômes modérés (fièvre, asthénie), a de nouveau été placé avec succès sous HAART, malheureusement interrompu en raison d'une toxicité hépatique aggravée par une hépatite C aiguë.
Sous-types AE et B
L'analyse en PCR des souches de VIH1, réalisée en collaboration avec l'équipe de Brigitte Autran de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris), a retrouvé le sous-type AE en faible quantité et un sous-type B prédominant, sous-type endémique au Brésil. Bien que le sujet contaminant n'ait pas pu être identifié, il est presque certain que le patient a d'abord été contaminé par une souche AE puis B, qui a accéléré la progression de la maladie. A noter que seuls les épitopes des sous-types AE étaient reconnus par les CD8 du patient durant la phase de superinfection.
« Une observation similaire a été récemment décrite chez des usagers de drogue en Thaïlande, fait remarquer dans son éditorial Paul Thompson*. Faut-il pour autant en conclure que les initiatives vaccinales actuelles ne permettront pas de protéger contre les différents sous-types de virus VIH1 ? Non. » L'infectiologue américain est confiant pour deux raisons.
La première est que la réponse immune du sujet après la première infection par la souche est très étroite. La mise en route précoce de la quadrithérapie a probablement empêché l'élargissement des lymphocytes T cytotoxiques à un grand nombre d'épitopes viraux. La seconde est que la probabilité de superinfection avec une souche génétiquement différente de virus initial est faible. Les programmes de vaccination ont été conçus pour développer une immunité à l'intérieur du même sous-type phylogénétique, ce qui est une éventualité beaucoup plus fréquente.
« Néanmoins, fait encore remarquer l'éditorialiste, si ces observations de superinfection ne sont que la partie émergée de l'iceberg, ce que l'on prend pour des recombinaisons virales serait en fait des superinfections. Or, à l'inverse des superinfections animales expérimentales, la seconde souche était plus agressive. » Une raison de plus pour inciter les personnes infectées et non infectées par le VIH à avoir le même niveau de vigilance à l'égard de la contamination.
Stéphanie Jost et coll. « New England Journal of Medicine », vol. 347, n° 10, 5 septembre 2002.
*Hartford Hospital, CT, Etats-Unis.
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