C'est une action pionnière. Alors que les dépistages du VIH et des hépatites se font dans des établissements, le Centre de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) du CHU de Nantes et le dispensaire antivénérien financé par le conseil général de Loire-Atlantique ont décidé de réquisitionner un bus afin d'aller à la rencontre du public.
« L'institution peut être un frein potentiel au dépistage. On s'est rendu compte qu'à l'hôpital, on testait une certaine catégorie de personnes seulement. Nombreux sont ceux qui ont du mal à franchir la porte d'un hôpital. Il était donc indispensable d'aller vers eux », explique Fabienne Legendre, infirmière du dispensaire antivénérien.
L'idée est née dans la tête des infirmiers et médecins de l'équipe du CDAG. « Pour une fois, les institutions bougent, comme le font les associations ! », remarque Fabienne Legendre.
Le concept a déjà été expérimenté à Brest. A Nantes, on en a pris de la graine. Un courrier a été adressé aux 212 mairies de Loire-Atlantique. Trois seulement ont répondu par la négative, invoquant de curieux arguments comme la certitude de « ne pas avoir de malades du SIDA dans la commune »...
L'équipe a ciblé Nantes (quartiers Belleville et Malakoff et le campus) mais aussi ses environs (Ancenis, Blain, Pornic, Clisson).
Une réunion préparatoire rassemble membres du personnel hospitalier, infirmières scolaires, libérales, pharmaciens, et médecins de la commune hôte. A cette commune de déterminer le jour et l'heure de l'intervention qui semble les plus efficaces pour toucher le maximum de personnes. « Comme on est mobile, on est souple. On se rattache aux jours de marché, à une fête du vin, etc. », explique le Dr Brigitte Milpied, responsable du CDAG. D'autres dates doivent être évitées : il aurait été en effet peu judicieux de venir dans la station balnéaire de Pornic en juillet alors qu'une grande partie des habitants sont en vacances.
Cette opération est le fruit d'un multipartenariat. Chacun y met du sien. La CPAM a créé un logo et a fourni les 150 tracts et 200 affiches, collées sur les murs de la ville quinze jours avant l'arrivée du bus. Médecins du Monde met à disposition le bus (qui sert habituellement les interventions nocturnes auprès de prostituées) et deux infirmières de l'association participent bénévolement au voyage. Deux élèves de l'Ecole d'infirmières valident ce module de santé publique par leur collaboration.
« On touche les populations défavorisées mais aussi beaucoup d'hétéros de 30 à 50 ans, qui ne pensent pas être touchés par la maladie mais ont pris des risques », décrit Fabienne Legendre.
Des rapports d'humains à humains
« Les plus de cinquante ans ont une sexualité de plus en plus débridée, souligne l'infirmière, avec le succès des thés dansants, les divorcés qui veulent savoir s'ils plaisent encore mais qui n'ont jamais utilisé de préservatifs... » Viennent aussi les femmes qui ont été transfusées au moment de leur accouchement et n'osent pas parler à leur médecin des risques éventuels de contamination.
La mairie propose une grande salle, avec des espaces de convivialité pour faciliter la discussion. « Ce sont des rapports d'humains à humains. Nous y allons sans blouses, même si nous restons identifiés par un gros logo du bus sur nos blousons », précise Fabienne. Les tests éventuels se déroulent dans la confidentialité du bus. « Les échanges sont très riches », ajoute-t-elle. Les visiteurs repartent les mains pleines de brochures. Une semaine plus tard, on vient dans cette même salle leur remettre les résultats. Une réunion d'évaluation permet aux différents intervenants de s'exprimer a posteriori.
« Nous n'en sommes qu'au début mais c'est un projet riche, en perpétuelle évolution. Toutes les communes où nous sommes passés nous réclament à nouveau », assure Fabienne Legendre. « Ce projet mériterait d'être reconnu d'intérêt public », renchérit Brigitte Milpied.
L'EMIPS (Equipe mobile d'intervention et prévention du SIDA) devrait travailler en amont de la sortie du bus en allant à la rencontre des généralistes et des pharmaciens et d'organiser des réunions publiques afin de sensibiliser la population sur la maladie. On aborderait le sujet de façon détournés avec des thèmes tels que « comment parler de la sexualité avec ses enfants ?».
« Nous devons nous faire connaître afin de développer le projet. Le succès de cette action est indéniable mais nos moyens actuels sont limités ». De nouveaux partenaires seraient les bienvenus si l'on veut poursuivre l'opération en passant au rythme d'une sortie par mois.
Une journée d'information sur les populations africaines en France face au VIH
Face au nombre croissant de patients d'origine étrangère et en particulier d'Afrique subsaharienne, le CISIH (Centre d'information et de soins de l'immuno-déficience humaine) du CHU de Nantes a décidé d'organiser aujourd'hui une journée de sensibilisation. Sous l'intitulé « Les populations africaines résidant en France face au VIH », différents thèmes seront abordés, tels la représentation du corps, de la maladie, la sexualité, la prévention, les systèmes familiaux, etc.
Au-delà des obstacles sociaux et linguistiques rencontrés lors des contacts avec ces populations immigrantes, ce sont des problèmes d'ordre culturel auxquels se heurtent souvent les personnels de santé. Chacun s'exprimera sur le sujet : médecins, infirmiers, assistantes sociales mais aussi psychologues et diététiciennes. A travers l'expérience de chacun de ces acteurs, il s'agira de repenser les soins, les interventions et l'accompagnement.
Le réseau ville-hôpital permet aux généralistes de se tenir informés des évolutions médicales. En collaborant à cette journée, il relaiera l'information en dehors des murs de l'hôpital.
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