La sclérose latérale amyotrophique (SLA) représente une forme spécifique de maladie du motoneurone (MND) caractérisée par une lésion du motoneurone spinal, induisant une faiblesse musculaire, une atrophie des motoneurones bulbaires et des voies pyramidales. Sur la base d'études épidémiologiques, la participation de certains virus à l'apparition de maladies du motoneurone a été recherchée. Des séquences d'entérovirus, et en particulier de virus Coxsackie de type B, ont ainsi pu être mises en évidence au niveau médullaire chez des patients atteints de SLA. Si, dans des modèles animaux, une relation entre infections par rétrovirus et MND a pu être mise en évidence, chez l'homme seul un cas avait été rapporté en 2000.
Comme les patients atteints de maladie du motoneurone, les sujets infectés par le VIH présentent un taux élevé de mort neuronale en rapport avec un excès de glutamate, un taux sérique élevé de complexes immuns circulants, une variation quantitative des gamma-globulines et une majoration du taux de lymphomes associés. En l'absence de preuve formelle du lien entre les deux affections, certaines équipes de neurologues ont pourtant déjà traité de façon sporadique des patients atteints de SLA par un antirétroviral, la zidovudine, et ils ont pu constaté une baisse du taux sérique de créatine kinase et des complexes immuns circulants.
Entre janvier 1987 et septembre 2000, 1 700 patients infectés par le VIH et présentant des signes cliniques neurologiques ont été adressés pour avis au service de consultation neurologique de la fondation Adolphe de Rothschild (Paris). « Sur l'ensemble de ces malades, nous avons recensé 6 sujets qui présentaient de façon concomitante une infection par le VIH (test ELISA et western blot) et des signes cliniques et électrophysiologiques de SLA (trois catégories, SLA formelle, probable ou possible) », explique le Dr Antoine Moulignier. Cinq de ces sujets étaient des homosexuels caucasiens de sexe masculin et une femme était originaire du Gabon. L'ensemble des patients présentaient, au moment de la prise en charge initiale, un taux de lymphocytes CD4 bas (en moyenne 86,2). « Les manifestations neurologiques SLA-like ont été les premières manifestions de l'infection à VIH-1 et ont révélé le statut sérologique de l'un des sujets », analyse les auteurs.
Pour tous les patients, la présentation clinique a été similaire et subaiguë (évolution en quelques semaines). Ils ont tous présenté des signes de dysfonction neuronale corticospinale et des motoneurones inférieurs, mais seulement deux d'entre eux montraient des signes d'atteinte du tronc cérébral.
Amélioration sous traitement antiviral
Quatre des 6 patients ont été suivis pendant au moins deux ans. Ils ont tous reçu le traitement antiviral optimal au moment de leur diagnostic (monothérapie par zidovudine pour deux d'entre eux, bithérapie zidovudine combiné avec un autre analogue nucléosidique pour trois autres patients, enfin, par HAART pour le dernier sujet). « Une amélioration neurologique sous traitement antiviral a été constaté chez tous les patients : stabilisation transitoire pour l'un d'entre eux, amélioration partielle ou subtotale pour trois autres, enfin, récupération complète chez 2 sujets », explique au « Quotidien » le Dr Moulignier. Trois des malades ont survécu plus de 24 mois après l'apparition des signes cliniques neurologiques.
« Les syndromes SLA-like restent peu fréquents chez les patients VIH-1 (incidence de 3,5 pour 1 000 contre 0,4 à 1,76 pour 1 000 dans la population générale) et le recrutement particulier de notre service fait que ce chiffre est vraisemblablement surestimé », continuent les auteurs. Depuis le mois de septembre 2000, aucun nouveau cas n'a été décrit au sein de l'établissement parisien. Le Dr Moulignier propose différentes explications : suppression de la réplication virale au niveau du système nerveux central en raison de la pénétration neurologique des antirétroviraux, diminution du risque d'infection du SNC en raison de la baisse de la charge virale plasmatique, ou, enfin, restauration partielle du système immunitaire du patient.
« Neurology », 25 septembre 2001. Dans le même numéro, Daniel MacGowan (New York) décrit un cas similaire chez une patiente de 32 ans qui a totalement récupéré de son affection neurologique liée au VIH.
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