Surveillance de la tuberculose

Vigilance, surtout en Ile-de-France et en Guyane

Publié le 10/03/2008
Article réservé aux abonnés
1276168341F_Img313604.jpg

1276168341F_Img313604.jpg

LA NÉCESSITé d'un renforcement de la lutte contre la tuberculose, en dépit de la baisse régulière de l'incidence moyenne observée depuis plusieurs années, est née du constat de l'existence de fortes disparités épidémiologiques selon le territoire et selon les groupes de population et les pratiques de la lutte variables selon les régions. La loi de santé publique de 2004 en a fait un de ses cent objectifs prioritaires : «Stabiliser l'incidence globale en renforçant la stratégie de lutte sur les groupes et les zones à risque». Le programme national de lutte (2007-2009) rendu public en décembre dernier en a fixé les modalités : la suppression de l'obligation vaccinale par le BCG, qui reste recommandé dans les populations les plus exposées, s'accompagne de mesures qui visent notamment à améliorer l'accès au système de soins (dépistage précoce, traitement, accompagnement et suivi) de ces populations.

Baisse modérée. Dans ce cadre, la qualité du système de surveillance est essentielle. Les modifications de 2007 : mise en place de la déclaration obligatoire des issues de traitement et modification de la fiche de déclaration initiale.

Le bilan 2006 des cas de tuberculose-maladie publié cette semaine dans le « BEH » ne rend pas compte des évolutions survenues en 2007, mais confirme les tendances observées antérieurement. Avec 5 336 cas déclarés en France (5 192 pour la métropole ; 144 cas pour les départements d'outre-mer), l'incidence s'est stabilisée, avec une diminution de 1 % par rapport à l'année 2005. Comparé aux 4 % par an observés sur la période 2000-2005, il semble qu'il y ait un ralentissement de la décroissance des nouveaux cas, mais cette baisse modérée pourrait être liée à une meilleure exhaustivité de la déclaration obligatoire, compte tenu de l'importante mobilisation de ces dernières années. Quoi qu'il en soit, la situation épidémiologique 2006 est comparable aux autres années, et place la France dans la catégorie des pays considérés à faible incidence (8,5 cas pour 100 000 habitants). Toutefois, une analyse plus fine met en évidence un regroupement des cas dans certaines régions. L'Ile-de-France a enregistré, à elle seule, 37 % des cas déclarés (1 970), soit une incidence de 17,3 pour 100 000. Les incidences les plus élevés ont été observées dans la Seine-Saint-Denis (32 pour 100 000) et à Paris (20 pour 100 000). Après l'Ile-de-France, la Guyane a été le département le plus touché (27,3 pour 100 000). Dans la majorité des autres départements (87/100), l'incidence était inférieure à 10 pour 100 000 ; elle était comprise entre 10 et 19 pour 100 000 dans les dix autres départements.

Le risque était plus élevé chez les personnes nées en Afrique subsaharienne, même si le nombre de nouveaux cas déclarés dans cette population a baissé par rapport à 2003 (983 contre 826), alors qu'il avait fortement augmenté entre 2000 et 2003. A l'inverse, le nombre de cas déclarés chez les personnes nées en Europe (hors France) était en hausse mais à un niveau moindre (188 en 2000, contre 324 en 2006). Le taux de déclaration chez les personnes nées à l'étranger était environ sept fois supérieur à celui observé chez les personnes nées en France. Les personnes sans domicile fixe représentaient 3,1 % des cas de tuberculose déclarés, soit un taux de déclaration de 181,5 pour 100 000.

Formes pulmonaires contagieuses.

La majorité des personnes touchées souffraient d'une tuberculose pulmonaire isolée ou associée à d'autres localisations (71 %) ; dans 26 % des cas, l'atteinte était exclusivement extrapulmonaire. Les cas contagieux représentaient 79 % des formes pulmonaires et 57 % de toutes les formes déclarées.

En 2006, la qualité des données recueillies semble s'être améliorée, mais, dans le contexte de recentralisation de la lutte antituberculeuse, certaines DDASS «font état de difficultés à recueillir l'ensemble des données de leur département», soulignent les auteurs, Delphine Antoine et Didier Che. Il convient,selon eux, «de sensibiliser encore davantage l'ensemble des intervenants (CLAT, services et médecins déclarants, laboratoires) à l'importance de transmettre les informations à la direction départementale de l'administration sanitaire et sociale qui est en charge de la surveillance et du contrôle de la tuberculose». Il s'agit d'améliorer la coordination entre DDASS et CLAT (centres de lutte antituberculeuse), qui gardent un rôle important du fait de leur proximité avec les déclarants et de leur connaissance des cas de tuberculose.

Procédure de signalement

Tuberculose maladie: tous les cas, quel que soit l'âge, doivent être signalés sans délai par les médecins et biologistes à la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) de leur lieu d'exercice.

Tuberculose infection: tous les cas survenant chez les enfants de moins de 15 ans doivent être signalés.

Le signalement doit être immédiatement transmis au Centre de lutte antituberculeuse (CLAT) du département qui a la charge de réaliser les investigations autour d'un cas (dépistage de cas secondaires, identification du contaminateur) et de mettre en place des mesures pour contrôler la transmission de la maladie.

Le signalement est suivi de la notification (fiche de déclaration obligatoire initiale). Elle recueille des données socio-économiques (âge, sexe, nationalité, lieu de naissance, année d'arrivée en France pour les personnes nées à l'étranger), des données cliniques et bactériologiques, ainsi que des informations sur les facteurs de risque (résidence en collectivité ou sans domicile fixe).

Déclaration d' issue de traitement : elle est envoyée à la DDASS au déclarant et doit être remplie dans les douze mois qui suivent le début du traitement ou le diagnostic. Elle permettra de définir les groupes qui sont à risque d'interrompre leur traitement pour leur proposer un accompagnement et un suivi adaptés.

Portrait de l'antituberculeux idéal

Nicolas Veziris et Vincent Jarlier font le point dans ce dernier numéro du « BEH » sur les nouveaux antituberculeux. «Le traitement antituberculeux actuel n'est pas satisfaisant du fait de sa longueur (six mois) et de sa complexité (quatre médicaments)», soulignent-ils. Le schéma thérapeutique actuel recommandé par l'OMS (deux mois de quadrithérapie isoniazide, rifampicine, éthambutol et pyrazinamide, suivis de quatre mois de bithérapie isoniazide, rifampicine) permet en théorie de guérir 95 % des malades. Sur le terrain, toutefois, l'efficacité est réduite et on compte encore deux millions de morts dus à la tuberculose chaque année, sans compter l'émergence des souches multirésistantes. De nouveaux antituberculeux sont donc nécessaires – le dernier, la rifampicine, a été découvert il y a 40 ans.

Les auteurs dressent un portrait du nouvel antituberculeux idéal : profil pharmacologique qui autorise une prise intermittente (une fois par semaine) ; activité accrue qui permet de raccourcir la durée totale du traitement ; efficacité démontrée sur les souches multirésistantes. De nombreuses molécules sont aujourd'hui en développement (dont certaines déjà en phase III), mais les modifications du traitement standard n'interviendront pas avant plusieurs années.

> Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8329