L'impact des antidépresseurs sur la densité osseuse et le risque fracturaire est d'autant plus difficile à évaluer que la dépression en elle-même est délétère pour l'os. "La dépression brise l'os comme elle brise le cœur, commente Peter Vestegaard (Pays Bas), "ce qui peut s'expliquer par le manque d'initiative qui réduit l'activité physique, le risque de chutes plus élevé, le manque de vitamine D par la limitation des sorties à l'extérieur et une alimentation déséquilibrée, les hauts niveaux de cortisol endogène liés au stress. ".
Les ISRS en touche
Mais la prise de certains antidépresseurs semble aussi avoir un effet délétère sur la densité osseuse. Les ostéoclastes du tissu osseux expriment à leur surface le transporteur de la sérotonine et certains récepteurs de la sérotonine, d’où l’influence possible des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS). Ainsi, la plupart des essais cliniques -mais pas tous- ont montré une association entre ISRS et diminution de la densité osseuse (DO). Une étude, la Canadian Multicenter Osteoporosis Study (CaMOS) montre qu'après ajustement sur tous les autres facteurs confondants y compris le score de dépression, la moyenne de la DO à la hanche diminue de façon plus importante chez les patients sous ISRS (0,82 % vs 0,47 % par an dans le groupe contrôle) et que le risque de fracture est doublé par rapport aux sujets ne prenant pas d'ISRS. L'effet est dose-dépendant, le doublement de la dose quotidienne d'ISRS multipliant encore ce risque par 1,5. Pour les antidépresseurs tricycliques qui inhibent aussi en partie la recapture de la sérotonine, peu d'études valables prouvent un effet direct sur le métabolisme osseux et des études transversales ont jusqu'ici échoué à montrer un effet sur la DO. Toutefois, une méta analyse récente, mais non publiée, montre une association assez nette des ISRS et des tricycliques avec le risque de fracture (voir encadré).
Mieux cerner les autres antidépresseurs
Pour les autres molécules, les données sont moins probantes. Aucune étude fiable n'a été menée en ce qui concerne les IMAO et la DO. Quant aux inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNa), leur impact potentiel n’est pas encore bien cerné. En effet, on connaît l’effet délétère de l’inhibition de la recapture de la sérotonine. Quant à celle de la noradrénaline, on sait qu'ils existe des récepteurs α et ß adrénergiques au niveau du squelette. Et le blocage des récepteurs ßadrénergiques est associé à une augmentation de la DO au niveau de la hanche et de la colonne vertébrale, expliquant l'effet osseux bénéfique des ßbloquants. En prenant l’exemple de la venlafaxine (IRSNa), la molécule augmente la perte osseuse au niveau de l'os alvéolaire cet impact étant vraisemblablement lié à l'inhibition de la recapture de la sérotonine.
Un impact plutôt favorable pour le lithium
Quant au lithium, il pourrait améliorer la DO via ses effets sur le système de signalisation Wnt, promoteur de l'activité ostéoblastique. Dans une étude transversale, il augmente de 4,5 % la DO au niveau vertébral, de 5,3 % au niveau du col fémoral et de 7,5 % au niveau du trochanter tout en diminuant l'ostéocalcine, les phosphatases alcalines et le CTX, les effets étant doses dépendants.
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