EN FIN de semaine dernière, deux cas d’infection par le virus du chikungunya ont été confirmés chez deux fillettes de 12 ans, des amies ayant des activités communes. Les deux enfants ont fait l’objet d’une surveillance à leur domicile et leur état n’inspire pas d’inquiétude.
L’origine de ces premiers cas de transmission locale par le moustique tigre Aedes albopictus pourrait être une fillette de 7 ans ayant été infectée lors d’un séjour en Inde, à la fin du mois d’août. « Nous avons un faisceau d’arguments épidémiologiques qui sont en faveur de cette hypothèse – le foyer est localisé avec des contacts entre les trois cas, les deux cas autochtones et le cas importé. La comparaison génétique des trois souches virales devrait apporter des arguments supplémentaires », explique au « Quotidien » Philippe Malfait coordonnateur scientifique de la CIRE sud. Afin de détecter d’éventuels autres cas, une vigilance accrue est demandée aux professionnels de santé. L’Agence régionale de santé (ARS) PACA a alerté les médecins libéraux (généralistes et pédiatres), les laboratoires et les établissements de santé et les services d’urgence.
Un vecteur qui s’étend.
Dans le cas de la dengue et du chikungunya, deux arboviroses transmises par le même vecteur, Aedes albopictus (A. aegypti est absent de métropole), la chaîne de contamination pourrait être la suivante :
– une personne infectée en zone d’endémie se fait piquer à son retour alors qu’elle se trouve en phase virémique (jusqu’à 7 jours après le début des signes) par le moustique présent dans certains départements des Alpes-Maritimes (depuis 2004), de Haute-Corse (en 2006), de Corse du Sud et du Var (en 2009), avec une extension brutale depuis 2009 à l’arrière-pays de tous ces départements et une densité vectorielle parfois importantes (depuis septembre 2009, A. albopictus s’est implanté dans les Bouches-du-Rhône dans 2 quartiers de Marseille) ;
– le moustique infecté pique, quelques jours après, d’autres personnes dans la ville, qui seront à leur tour infectées par ce virus, entraînant l’apparition des premiers cas autochtones qui peuvent être à l’origine d’une épidémie.
« Le signalement rapide des cas suspects et la demande de confirmation biologique par le médecin traitant sont fondamentaux afin de pouvoir maîtriser tout départ d’épidémie par des mesures appropriées », soulignent les autorités sanitaires.
Elles rappellent l’épisode italien de l’été 2007, où l’introduction d’un seul cas importé virémique, fin juin, dans un village près de Ravenne, s’est traduite par l’apparition de 240 cas de chikungunya. Toutefois, précise Philippe Malfait, « en Italie, il n’y avait pas de démoustication systématique ni de surveillance des cas. L’épidémie de 2007 a servi d’électrochoc ». « L’implantation de ce type de maladie en Europe était possible », souligne-t-il.
En France, pour limiter le risque d’importation et d’implantation des maladies vectorielles en métropole, la surveillance a été renforcée. La dengue et le chikungunya sont des maladies à déclaration obligatoire depuis 2006 et un plan national antidissémination de la dengue et du chikungunya a été mis en place. Dans les départements d’implantation du vecteur (comprenant désormais les Bouches-du-Rhône), la surveillance est renforcée par un dispositif actif du 1er mai au 30 novembre de chaque année. Entre 2006 et 2009, 219 patients suspects de chikungunya ou de dengue ont été signalés, 35 cas importés ont été confirmés par le Centre national de référence (2 pour le chikungunya et 33 pour la dengue) et 42 interventions entomologiques ont été déclenchées autour des cas suspects d’être virémiques. Aucun cas autochtone biologiquement confirmé n’a été détecté.
Risque d’épidémie limité.
« Depuis le début mai, nous avons enregistré 4 fois plus de cas importés dans la région que lors des quatre dernières années, soit 124 cas de dengue et 4 cas de chikungunya », a souligné le directeur de la santé publique et environnementale à l’ARS-PACA, Jean-Jacques Coiplet.
Le niveau 3 d’alerte a déjà été déclenché. Les campagnes de démoustication sont menées dans le Var et se poursuivent dans les Alpes-Maritimes. Selon Yvon Souares, médecin épidémiologique à la CIRE sud, les conditions de transmission du virus devraient encore être « favorables » pendant une trentaine de jours : « Même si nous sommes dans une période décroissante, nous avons encore un gros mois devant nous », a-t-il expliqué. Avec l’hiver, le moustique entrera en effet en diapause (état de dormance des œufs) et n’aura plus d’activité de piqûre. Si le risque d’épidémie existe, « il semble pour l’heure limité », estime Philippe Lefait, pour qui cette première implantation du virus en métropole risque de se prolonger : « Le vecteur est là, il est implanté, il s’étend et se densifie. Avec l’augmentation des voyages, il se peut que dans les années futures d’autres foyers apparaissent. Le but est d’éviter l’épidémie. La France est l’un des pays les plus actifs, avec une détection précoce des cas et une démoustication systématique. Il faut être vigilant. » La sensibilisation et l’éducation auprès du public devront être envisagées sur le long terme.
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