Classique
Assisterait-on à une « bastillanisation » du Châtelet ? La mise en scène d'« Arabella », dixième opéra de Richard Strauss (1933), signée Mussbach et Wonder, tandem très « branché » dans les théâtres d'outre-Rhin, rappelle fâcheusement ce « Chevalier à la Rose » transposé au XXe siècle et autres perversions d'uvres dont l'Opéra de Paris semble détenir l'exclusivité pour la capitale.
Même après la lecture des arguments de Peter Musbach sur l'intemporalité de l'action, qui met en scène une famille d'aristocrates viennois fauchés cherchant à marier une de leurs filles tandis que l'autre est travestie en garçon, dans la Vienne décadente de François-Joseph, on reste sceptique devant cette présentation. Il s'agit de murs sociales et de sentiments d'une autre époque et on doute que les prétendants « punkisés » de la belle Arabella auraient à la bouche aujourd'hui la prosodie d'Hofmannsthal. L'usage maintenant répandu de surtitrer les uvres est dans ce cas d'une cruauté absolue ! De même, un décor unique ne facilite jamais les repères, surtout s'agissant d'un immense hall d'aéroport ou de grand magasin figurant autant un salon qu'une salle de bal ou la cage d'escalier d'un hôtel. Hôtel sans portes d'ailleurs, ce qui est curieux pour un opéra dont le ressort dramatique est la clef de la chambre d'Arabella, un opéra à l'intrigue, il est vrai, un peu laborieuse dans sa résolution. Dommage, d'autant que la direction d'acteurs très fine et soignée de Musbach aurait davantage éclairé l'action dans une présentation plus traditionnelle !
Une direction magistrale
Musicalement, en revanche, on était au ciel ! Dohn[135]nyi dirige sans excès de sentimentalisme une partition qui peut facilement pêcher de ce côté et qui possède des pages instrumentales (le prélude du troisième acte notamment, qui dépeint la nuit d'amour de Zdenka et Matteo) qui sont du meilleur Richard Strauss. Il dirige magistralement le virtuose Philharmonia Orchestra. La distribution n'est pas de celles faites par les agents selon la disponibilité des chanteurs (comme trop souvent à l'Opéra de Paris), mais a une homogénéité, relève d'une réflexion avec sa part de prise de risque. Dans le rôle-titre, on attendait Karita Mattila. Malade, elle a été remplacée par Anna-Katharina Behnke, très à l'aise dans un rôle qu'à l'évidence elle pratique régulièrement, avec une belle grande voix dans laquelle on ne peut s'empêcher de déjà déceler les blessures qu'impose la fréquentation du rôle autrement dangereux de « Lulu », de Berg. Horriblement attifée, Barbara Bonney restait exquise dans le rôle de Zdenka/Zdenko, la sur sacrifiée. Thomas Hampson chante pour la première fois Mandryka, superbe de style et de diction, avec un grand investissement scénique mais un peu de monochromie dans l'expression vocale et quelques lacunes dans le grave. Hormis le rôle de la Fiakermilli, dont la Tyrolienne était sabotée par la criarde Olga Trifonova, le reste de la distribution était parfait, avec la mère de Cornelia Kallisch et le superbe Matteo d'Hugh Smith. Malgré le côté artificiel de sa présentation, ce spectacle reste néanmoins une occasion à ne pas manquer de découvrir cet opéra inclassable dans l'abondante production lyrique de Richard Strauss.
Châtelet (01.40.28.28.40) : les 22, 25 avril à 19 h 30 ; le 28 à 16 heures. Karita Mattila a entre-temps repris le rôle d'Arabella. Diffusion sur France Musiques le 1er juin à 19 h 30.
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