Vieillissement cutané : les difficultés à démontrer le bénéfice de la nutrition

Publié le 04/06/2001
Article réservé aux abonnés
1276287186Img23177.jpg

1276287186Img23177.jpg

« S OIGNER votre peau à table » : un tel titre suggestif est fréquent dans la presse, où certains aliments sont présentés comme de véritables produits de beauté internes, capables de retarder le vieillissement cutané. Si l'on considère le mode de raisonnement qui conduit à une telle opinion, on s'aperçoit que tout part de données in vitro ou chez l'animal. Peu ou pas d'études cliniques randomisées permettent l'extrapolation à l'homme.

« Aujourd'hui, 5 % des Français, dont 92 % de femmes, utilisent des compléments alimentaires, 70 % ont plus de 35 ans », annonce le Pr Brigitte Dreno (dermatologue à l'Hôtel-Dieu, Nantes), lors de la 11e Journée européenne d'échanges thérapeutiques en dermatologie. L'intérêt de ces associations de vitamines, d'acides gras et d'oligo-éléments réside dans leur effet antiradicalaire et leur action sur la prolifération cellulaire, deux phénomènes clés dans le vieillissement. L'exemple du zinc est, sur ce point, démonstratif. In vitro, il agit comme coenzyme de plus de 90 enzymes qui interviennent dans la synthèse protidique, la stabilité membranaire et la division cellulaire. Au niveau de la peau, il favorise la multiplication et module la différentiation kératinocytaire. Il stimule la prolifération des fibroblastes, la production de collagène et d'élastine et a un effet inducteur sur la superoxyde dismutase qui favorise l'élimination des radicaux libres. Toutes ces actions intéressent le processus du vieillissement.
In vivo, rien n'a été démontré, sauf la diminution, constatée chez l'homme du « stock » de zinc avec l'âge. Les effets observés lors des déficits : troubles de la cicatrisation, chute des cheveux et des ongles, dessèchement de la peau, qui sont aussi des signes du vieillissement, viennent à l'appui d'un rôle protecteur du zinc. Ainsi, la convergence des études in vitro et l'identité des signes carentiels avec ceux du vieillissement pousse à la notion d'une nutrithérapie par le zinc. Seule une étude clinique, difficile à réaliser (nombre élevé de sujets, suivis pendant de nombreuses années), pourrait confirmer l'efficacité d'une absorption de sels de zinc ou d'aliments riches en zinc (fruits de mer, viande et céréales).

Une moindre fréquence des rides

Le raisonnement vaut aussi pour le sélénium des brocolis, le cuivre ou le manganèse. En fait, une seule étude sur des patients australiens, grecs et suédois, a permis récemment de conclure à une moindre fréquence des rides avec une alimentation saine, comportant la prise d'anti-oxydants, versus une population qui n'aurait pas cette alimentation. Les programmes de nutrition/santé de l'INSERM, commencent à intégrer ce rôle de la nutrition dans le vieillissement cutané. La diminution progressive, à partir de 35 ans, des vitamines, des oligo-éléments et d'enzymes clefs, comme le coenzyme Q10 ou ubiquinone, dit « vitamine like » (actif dans la production d'énergie et l'élimination des radicaux libres), suggère un tel rôle et légitime l'idée d'une supplémentation préventive.
Les arguments indirects sont donc nombreux en faveur d'un effet de la nutrition sur le vieillissement cutané, mais ils ne répondent pas à la question du rajeunissement, c'est-à-dire du retour en arrière de notre horloge. « Très clairement, aujourd'hui, sur la nutrition et le rajeunissement cutané, il n'y a rien », affirme le Pr Dreno. Tout juste peut-on parler d'un rôle préventif, l'essentiel étant de « bien se nourrir pour bien vieillir ».

D'après l'intervention du Pr Brigitte Dreno (clinique dermatologique Hôtel-Dieu, Nantes), lors de la 11e Journée européenne d'échanges thérapeutiques en dermatologie

Questions sur les oligo-éléments

En dépit des résultats in vitro favorables, de nombreuses questions demeurent quant à l'utilisation des oligo-éléments dans la prévention du vieillissement.
Sur la validité des études : quel type de kératinocyte a été utilisé, car les résultats de l'activité enzymatique sur la prolifération diffèrent selon qu'il s'agit d'un kératinocyte jeune ou d'un kératinocyte dont l'horloge du vieillissement a beaucoup avancé ?
Sur les applications à l'homme :
- quelles sont les doses à conseiller ?
- doit-on prendre ces nutriments en continu ou en discontinu ?
- n'existe-t-il pas des interférences entre les nutriments ?
- sous quelle forme sont-ils le plus efficaces ?

Dr Lydia ARCHIMEDE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6929