Q UI est responsable des méfaits du tabac sur la santé d'un individu ? Le fumeur ou le fabricant ? Aux Etats-Unis, de nombreux tribunaux ont condamné les fabricants à indemniser des malades ou leur famille. La France semblait, toutes proportions gardées, suivre le même chemin dans la première affaire opposant une victime du tabac au seul fabricant français, la SEITA, devenue Altadis. La cour d'appel d'Orléans en a décidé autrement.
Richard Gourlain est mort en janvier 1999, à 49 ans, des suites des cancers des poumons et de la langue ; il avait commencé à fumer à 13 ans et était un gros consommateur de gauloises sans filtre. Sa famille et la caisse primaire d'assurance-maladie du Loiret avaient intenté une action en justice pour obtenir des dommages et intérêts (sa femme et ses deux fils réclamaient 3 millions et l'assurance-maladie, 1 million). En première instance, la chambre civile du tribunal de Montargis avait jugé la SEITA partiellement responsable de la mort de M. Gourlain, ayant « commis une faute en ne respectant pas son obligation d'information avant 1976 » (année de la loi Veil imposant des avertissements sur les paquets). Pour le tribunal, M. Gourlain n'était pas responsable de son tabagisme jusqu'à sa majorité, mais il le devenait à 40 % à partir de cet âge et jusqu'à la loi Veil, puis à 100 %. L'assurance-maladie avait été déboutée.
« Une défaite sévère »
Ce jugement n'avait satisfait ni la famille Gourlain, soutenue par le Comité national contre le tabagisme (CNCT), ni la SEITA, et les deux parties avaient fait appel.
La SEITA peut s'en féliciter aujourd'hui, puisque la cour d'appel d'Orléans a débouté la famille comme, à nouveau, la CPAM du Loiret, condamnant aux dépens Lucette Gourlain et ses deux fils. Elle a considéré, selon l'avocat de la SEITA, Me Pierre-Louis Dauzier, que le cigarettier ne s'était pas vu confier une mission d'information sur les méfaits du tabagisme avant la loi Veil. Ce jugement « peut faire réfléchir des gens qui voudraient se lancer dans des actions un peu téméraires, a commenté Me Dauzier. Et cela peut montrer surtout que la responsabilité, c'est quelque chose de grave qui doit s'analyser dans un cadre légal strict ».
L'avocat de Mme Gourlain et du CNCT, Me Francis Caballero, a reconnu que c'était « unedéfaite totale, cuisante, sévère », mais « pas uniquement la défaite de la famille Gourlain, celle de toute la santé publique ».
L'affaire ne s'arrêtera pas là puisque la famille Gourlain a décidé de se pourvoir en cassation. Et le CNCT, qui rappelle qu'en France on commence à fumer de plus en plus jeune, a annoncé qu'il « va continuer sa lutte contre les fabricants de tabac, dont la conduite déloyale ne cesse de croître ».
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