Commandé le 27 août par le ministre Jean-François Mattei, le rapport d'étape consacré par Denis Hémon (directeur de l'unité INSERM 170 recherches épidémiologiques et statistiques sur l'environnement et la santé) et Eric Jougla (directeur du centre d'épidémiologie) sur les causes médicales de décès à « la surmortalité liée à la canicule d'août 2003 » est une prouesse épidémiologique : les auteurs n'ont pu disposer des données exhaustives (INSERM, INSEE ET InVS) que le 17 septembre, ils les ont donc moulinées en moins de huit jours. La moisson de leurs conclusions n'en est pas moins abondante.
Combien ?
Commencée le 4 août (300 décès supplémentaires par rapport aux années précédentes), la vague de surmortalité a atteint 1 200 décès/jour le 8 août et a culminé à 2 200 décès le 12 août. Epousant exactement les courbes de Météo-France (voir graphique), l'épidémie a amorcé une décrue à partir du 13 août (2 000 décès), retrouvant progressivement sa valeur normale à partir du 19 août. Le 20 août , la surmortalité cumulée s'est stabilisée à environ 15 000 décès (14 802 morts exactement).
Qui
Ce sont les femmes qui ont été beaucoup plus touchées que les hommes, avec des augmentations respectives de 70 % et 40 % du nombre des décès. Les sujets âgés de 75 ans et plus ont totalisé une élévation de 70 % du nombre des morts, tandis que les 45/74 ans enregistraient une surmortalité de 40 % chez les femmes et de 20 % chez les hommes. Les chercheurs de l'INSERM réservent leur estimation pour les moins de 45 ans, eu égard à la faiblesse des effectifs concernés. Mais, pour ces classes d'âge, la surmortalité aura été « nettement plus faible » que chez les personnes âgées.
Où ?
Si la surmortalité est visible sur l'ensemble du territoire, les disparités régionales sont importantes : dans des régions à composante côtière comme la Basse-Normandie, la Bretagne ou le Nord-Pas-de-Calais , on note des ratios de mortalité autour de 1,2, soit des hausses de 20 % par rapport au nombre de décès statistiquement attendus.
En revanche, le ratio s'envole dans deux régions en particulier : + 100 % pour la région Centre et, record absolu : + 130 % en Ile-de-France (+ 127 % pour Paris, + 147 % pour l'Essonne, + 161 % pour les Hauts-de-Seine, + 160 % en Seine-Saint-Denis et + 171 % dans le Val-de-Marne).
Bien sûr, on a davantage survécu dans les zones rurales, les petites agglomérations et villes moyennes ou même de grande taille (+ 40 % environ pour toutes ces catégories) que dans la région Ile-de-France, où la mortalité a plus que doublé, à + 141 %, pour représenter le tiers du nombre total des victimes.
Les nombres de décès survenus à domicile et en maison de retraite ont doublé par rapport aux valeurs habituelles ; 42 % des victimes sont décédées dans des hôpitaux, 354 % chez elles, 19 % dans des maisons de retraite et 3 % dans des cliniques privées.
Comment ?
Dans l'impossibilité de mener à bien l'analyse des causes des 56 000 décès survenus en août 2003 selon la classification internationale des maladies (CIM), les auteurs, pour donner une première approche, ont choisi la région Centre, l'une des plus durement touchées par la catastrophe, avec ses six départements (entre 70 et 130 % de surmortalité). Les augmentations les plus importantes y sont observées pour des causes directement attribuables à la canicule que sont les coups de chaleur, la déshydratation et l'hyperthermie (trente fois plus de morts) ; viennent ensuite les maladies de l'appareil génito-urinaire et les maladies de l'appareil respiratoire. La plupart des autres causes sont concernées par la canicule, mais avec des accroissements nettement moins prononcés pour les tumeurs, pour les suicides et pour les accidents de la circulation.
D. Hémon et E. Jougla soulignent que « la première analyse (de ces causes liées à la vague de chaleur) met en évidence une modification profonde de la hiérarchie des causes habituellement observée et recoupe la description d'épisodes caniculaires antérieurs, comme celle de l'été 1976 qui avait fait 6 000 victimes ».
Les résultats France entière restent attendus avant de conclure définitivement. D'ores et déjà, les auteurs font une série de recommandations : à très court terme, ils soulignent la nécessité de mettre en place des dispositifs d'alerte capables d'informer en temps réel d'une élévation anormale des appels aux services d'urgence ; à court terme, la création d'un dispositif d'alerte météo permettant d'anticiper de plusieurs jours sur une vague de chaleur ; à moyen et à long terme ; enfin, ils préconisent la mise au point d'un système d'identification des dangers pour la santé et la sécurité.
Certificats de décès : gestion accélérée
La commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale s'est prononcée en faveur d'une gestion améliorée de la transmission des certificats de décès. Actuellement, comme l'a rappelé Jean-François Mattei lors de son audition devant la commission, ces certificats sont « établis en mairie et envoyés dans des délais variables, par lots, aux DDASS » ; celles-ci « les transmettent ensuite, là encore dans des délais variables, à l'INSERM », créant une situation « insupportable » selon le ministre.
Aux termes de l'amendement adopté, la transmission s'effectuera directement à l'INSERM, par voie électronique. La nouvelle procédure devrait être expérimentée dans un premier temps dans des sites pilotes (mairies, hôpitaux, médecins), avant d'être généralisée à toute la France à partir du 1er janvier... 2009.
Un autre amendement, présenté par Jean-Michel Dubernard (UMP), président de la commission et rapporteur du texte, stipule que le plan régional de santé publique « comporte obligatoirement un plan d'action relatif à l'alerte et à la gestion des situations d'urgence sanitaire ».
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