«L'INTERPELLATION dramatique et médiatisée de Chantal Sébire, femme atteinte d'un mal incurable, qui souffre et demande à mourir, ne peut qu'avoir ému le Conseil national de l'Ordre des médecins.» L'émotion soulevée par la demande de Chantal Sébire, 52 ans, atteinte d'un esthésioneuroblastome, a conduit plusieurs personnalités, dont le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, ancien ministre de la Santé, à demander une «exception à la loi».
L'émotion est «toujours révélatrice d'un problème, rappelle Jean-Claude Ameisen , membre du comité national d'éthique . Le cas Vincent Humbert est à l'origine de la loi Leonetti, qui a constitué un progrès remarquable, même si je ne suis pas sûr qu'elle répondait à ce cas particulier». Cependant, si beaucoup admettent que la loi Leonetti, pour remarquable qu'elle soit, ne répond pas à toutes les situations, il ne saurait être question de procéder à des aménagements ou à des évolutions dans l'urgence. Le temps de la réflexion est nécessaire avant «toute décision qui engagerait l'avenir», reconnaît Jean-Claude Ameisen. «C'est une tendance trop fréquente de légiférer en urgence à propos de cas particulier», poursuit-il.
Le médecin n'est pas un donneur de mort.
Cependant, il s'agit de répondre à une demande sociale. L'Ordre «a continué à mener la réflexion au sein de ses sections après le travail sur la rénovation des articles 37 et 38, et le travail autour de la loi Leonetti», explique au « Quotidien » leDr André Deseur, conseiller national. Dans l'état actuel de ses réflexions, il exclut toute révolution de la déontologie médicale : «Il est exclu que le médecin soit un donneur de mort. Il n'a pas à être celui qui abat. Je m'imagine dans quelques années vieillard dans une maison de retraite: “Ah ! c'est le docteur, il vient pour quoi aujourd'hui ? Il vient me dire bonjour parce que c'est un confrère ou il vient m'achever ?” La confusion est inacceptable.» L'Ordre évoque la possibilité d'un «dispositif d'exception, dont il n'est pas certain qu'il faille l'encadrer lourdement de manière juridique». Une «procédure d'exception pour des situations exceptionnelles particulières quand les autres solutions ne peuvent s'appliquer», explique le Dr Deseur, qui qualifie la procédure «d'assistance médicale à la mort délibérée» – le terme suicide ayant une connotation péjorative. Il s'agirait uniquement d'une assistance à la réalisation, à la décision et à la mise en oeuvre revenant à la personne concernée.
La solution est également évoquée par Jean-Claude Ameisen, qui la différencie bien de l'euthanasie active par «injection d'une substance létale». Mais il met en garde contre une confusion possible : «Considérer que le suicide assisté ou l'euthanasie représentent une alternative aux soins palliatifs, ce serait une catastrophe.» Une exception à la loi ne peut être envisagée, selon lui, que dans le cadre d'une meilleure application de la loi : «Je serais pour faire de l'accès aux soins palliatifs un droit opposable.»
Restent les cas, certes rares, où les soins palliatifs ne sont pas une solution : «Ce n'est pas parce qu'ils sont rares qu'il ne faut pas les envisager. Il y a quelque chose d'inhumain à ne pas vouloir s'occuper de ces situations.» L'assistance au suicide plutôt que l'euthanasie, parce que, dans le premier cas, il s'agit de «donner une possibilité qui ne sera peut-être jamais utilisée. Dans l'Etat de l'Oregon, par exemple, lorsqu'il y a autorisation d'accès à une substance qui permet de se tuer, de 75 à 80% des gens ne l'utilisent pas. Cela montre bien qu'il s'agit dans beaucoup de cas d'une garantie contre la peur d'une situation intolérable».
Evaluer la loi Leonetti.
Le spécialiste milite pour le développement des soins palliatifs à l'hôpital – la moitié des personnes qui meurent à l'hôpital n'ont toujours pas accès aux soins palliatifs – et à domicile. Une situation dont ont bien conscience les autorités médicales et les politiques. Le Premier ministre vient d'ailleurs de confier à Jean Leonetti une mission d'évaluation de la loi de 2005. «C'est une mission ouverte qui ne part avec aucun a priori . C'est comme cela que l'on avait abouti lors de la première législation», explique au « Quotidien » le député UMP. Il espère terminer cet été pour que le sujet soit inclus dans le cadre des débats sur la révision des lois de bioéthique en 2009. Quant à une procédure d'exception éventuelle, le Dr Leonetti se montre très prudent : «Si j'ai envie de me tuer, c'est une décision personnelle. Est-ce que c'est à la société à m'apporter cette assistance dans mon désir de mort? On voit bien qu'il y a une ambiguïté dans l'énoncé. Il est assez paradoxal que l'on réanime dans les hôpitaux les gens qui tentent de se suicider et que, d'un autre côté, on puisse donner la mort à ceux qui la demandent. Le problème est complexe, mais on n'est plus vraiment dans le débat de la fin de vie.»
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