European Association of Urology 7-10 avril 2001 - Genève

Vers une politique européenne de prescription des antibiotiques à visée urinaire

Publié le 22/05/2001
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L E 16e Congrès de l'EAU a clairement mis en évidence l'importance des infections urinaires en urologie, en consacrant d'abord trois sessions à ce sujet et en instaurant la Société européenne pour l'infection en urologie (« European Society for Infection in Urology », ou ESIU). Un des principaux problèmes soulevés par les intervenants a concerné les modifications survenues dans l'écologie bactérienne et l'émergence de bactéries résistantes aux antibiotiques en Europe, quelques exemples à l'appui.

Ainsi, une enquête (1) menée dans une dizaine de laboratoires médicaux français de ville (AFORCOPI-BIO) a récemment montré l'accroissement des résistances d' Escherichia coli aux antibiotiques. E.coli reste le principal agent causal des infections urinaires chez la femme âgée de 15 à 65 ans (80 %), 40 % des souches d' E.coli étant résistantes à l'amoxicilline, 22 % au cotrimoxazole et 5 % à la ciprofloxacine. Si l'on compare ces résultats avec ceux d'une enquête similaire menée en 1998, il est avéré que la résistance à l'amoxicilline est passée de 35 % à 46 %, celle de la ciprofloxacine de 3 à 5 % pendant que celle de la fosfomycine s'est maintenue à 2 % ; quant au cotrimoxazole, le moins utilisé des antibiotiques, sa résistance a diminué de 26 à 22 %. Mais la résistance d' E.coli à la ciprofloxacine est déjà de 18 % en Espagne, pays où l'antibiotique a été suremployé.

Les infections nosocomiales

Par ailleurs, une étude multicentrique (2) conduite par le comité d'infectiologie de la Société française d'urologie a montré que 22 % des patients qui subissent une résection endoscopique de la prostate développent une infection urinaire nosocomiale pendant le mois qui suit le geste chirurgical ; 60 % de ces infections sont causées par un cocci Gram+ et principalement un entérocoque.
Une étude italienne à paraître dans « European Urology », qui a inclus plus de 1 000 patients hospitalisés, a confirmé la moindre fréquence d' E.coli dans les infections urinaires (55 %) au profit d'autres germes comme Enterococci spp. (11 %) ou Pseudomonas spp (7 %) dont la résistance aux antibiotiques est beaucoup plus importante. Le taux de résistance était différent chez les femmes et les hommes : pour la ciprofloxacine, 33 % et 71 % (chez les femmes et les hommes respectivement), pour la gentamycine, 56 % et 72 %, et pour l'imipénème, 4,5 % et 27 %.

Des attitudes thérapeutiques peu homogènes

Des études ont mis en évidence des différences d'usage des antibiotiques à travers l'Europe. Une étude scandinave sur l'antibioprophylaxie chez les patients subissant une résection endoscopique de la prostate a montré que les urologues finois prescrivaient des antibiotiques dans 79 % des cas, alors que le taux de prescriptions n'était que de 9 % chez leurs collègues danois. En Allemagne, une enquête menée auprès de 320 urologues montre elle aussi des différences dans l'utilisation de l'antibiothérapie prophylactique périopératoire : celle-ci n'est administrée que dans 51 % des procédures concernant la sphère urinaire et 9 % des urologues ayant répondu à l'enquête n'utilisent aucune prophylaxie, même lors de l'ouverture de l'intestin (dans le cas du remplacement de vessie, par exemple). En Grande-Bretagne, l'utilisation des antibiotiques au cours des biopsies prostatiques souffre d'un manque réel de standardisation et de l'absence de stratégie cohérente. Le coût de cette antibiothérapie variant de 10 F à 120 F par patient.

Une utilisation plus rationnelle des antibiotiques

C'est pour toutes ces raisons que le Health Care Office de l'EAU a décidé d'initier une politique générale concernant l'usage des antibiotiques en Europe avec la collaboration de K. Naber (Allemagne), B. Bergman (Suède), C. Bishop (Grande-Bretagne), E. Berklunc Johansen (Norvège), H. Botto (France), F. Jimenez Cruz (Espagne) et B. Lobel (France).
Les recommandations proposées lors du congrès de l'EAU concernent la prophylaxie antibiotique et l'usage des antibiotiques dans les différentes situations urologiques rencontrées chez l'adulte et chez l'enfant. « Il faut espérer que ces propositions, a conclu le Pr Lobel , auront l'écho le plus large possible auprès des urologues européens et permettront d'élaborer une politique de prévention et de prise en charge des infections urinaires prenant en compte l'écologie bactérienne dans les différents pays. L'utilisation rationnelle de l'antibiothérapie devrait limiter l'émergence des souches résistantes. Cela étant, le traitement de l'infection ne passe pas seulement par l'antibiothérapie, mais aussi par des règles de bonnes pratiques cliniques (lavage des mains, utilisation de matériel jetable, etc.). »

D'après la communication du Pr Bernard Lobel (hôpital Pontchaillou, Rennes)
(1) « Med. Mal. Infect. » 2000, 30 ; 699-702.
(2) Infections nosocomiales en urologie, « Progrès en urologie » 1999, vol. 9, n° 5 ; 17-21.

+/- schéma


Dr Annie DUMONCEAU

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6923