L'une des évolutions récentes susceptibles de modifier significativement la prise en charge des AVC est la volonté d'action manifestée par les autorités de tutelle face à cet important problème de santé publique. Cette volonté d'action est à l'origine d'une ambitieuse stratégie nationale reposant sur les recommandations des experts.
Cette démarche résulte d'une prise de conscience progressive au cours de ces dernières années : avec 140 000 nouveaux cas par an et une mortalité loin d'être négligeable, la pathologie vasculaire cérébrale, première cause de handicap chez l'adulte, ne bénéficie pas encore d'une prise en charge optimale.
Il est indéniable que cette prise de conscience a été facilitée par deux avancées récentes dans le domaine thérapeutique : la démonstration d'une amélioration du pronostic chez les patients victimes d'un AVC hospitalisés dans une UNV et les résultats cliniques obtenus avec la fibrinolyse, maintenant autorisée en France dans le traitement de certains AVC d'origine ischémique.
Une circulaire ministérielle issue du plan Kouchner...
Le plan Kouchner, document toujours d'actualité définissant les priorités nationales en matière de santé, aura marqué la première étape de l'engagement des pouvoirs publics. L'un des objectifs affirmés était en effet l'amélioration de la prise en charge des AVC. Le groupe de travail chargé de définir les conditions permettant d'atteindre cet objectif vient de rédiger le texte de la circulaire ministérielle correspondante qui va être publiée incessamment.
Cette circulaire concerne l'ensemble de la stratégie de prise en charge des AVC. Tout d'abord, le caractère d'urgence médicale de ce type d'événement est réaffirmé. La prise en charge préhospitalière occupe une place importante du document : il est notamment souligné que le patient doit être transporté le plus rapidement possible dans une unité de soins spécialisés, au mieux une UNV. Bien entendu, toute une partie du texte concerne l'organisation des UNV. Les grandes lignes des soins de suite sont également dessinées.
Avec la publication de la circulaire ministérielle, il va donc être affirmé pour la première fois et sans ambiguïté que l'amélioration de la prise en charge des AVC fait partie des objectifs futurs en termes de santé publique en France. En ce sens, il s'agit d'un document majeur complété par les recommandations de l'ANAES.
Les quatre recommandations de l'ANAES
Second volet de l'évolution actuelle : l'ANAES a décidé, à la demande des sociétés savantes concernées, d'émettre des recommandations pour une meilleure prise en charge des AVC. Plusieurs recommandations sur la prise en charge à la phase aiguë sont sur le point d'être publiées :
-une recommandation sur la prise en charge médicale ;
-une recommandation sur la prise en charge paramédicale ;
-une évaluation technologique sur les UNV ;
-une recommandation sur l'imagerie à la phase aiguë.
Enfin, un autre document sur les retours précoces à domicile est actuellement en préparation.
Membre du groupe de travail réuni pour rédiger la première de ces recommandations (prise en charge médicale des AVC à la phase aiguë), le Pr Mas (hôpital Sainte-Anne, Paris) nous en a révélé les grandes lignes.
Pour que la filière des soins soit utilisée de façon optimale et sans délais, il est important que les médecins traitants reconnaissent l'AVC comme une urgence diagnostique et thérapeutique et fassent tout pour raccourcir les délais afin que le patient bénéficie des traitements actuels. Un certain nombre de gestes à faire (par exemple : organiser le transport rapide vers une UNV) ou à ne pas faire (par exemple : abaisser la pression artérielle) avant l'hospitalisation sont définis par la recommandation.
Le texte prévoit également une sensibilisation du public par des campagnes d'information. Il s'agit de faire connaître les signes d'appel d'un AVC et de créer le réflexe d'appel d'une structure d'urgence comme le centre 15. L'objectif final est de faire en sorte que le malade soit transféré immédiatement à l'hôpital, idéalement dans une UNV.
Concernant la prise en charge hospitalière, les complications générales, les complications neurologiques et le traitement spécifique des AVC sont décrits. Pour le traitement des AVC d'origine ischémique, les indications et les modalités de la fibrinolyse sont détaillées et précisées. Il s'agit, bien entendu, de la fibrinolyse par voie veineuse, appliquée impérativement dans les 3trois heures suivant l'accident ; il est encore beaucoup trop tôt pour intégrer la fibrinolyse par voie artérielle dans une recommandation, cette technique n'ayant fait l'objet que d'une seule étude. Il est rappelé que les anticoagulants n'ont pas d'efficacité démontrée à la phase aiguë et ne sont indiqués que dans quelques cas, le traitement anticoagulant de référence restant l'aspirine. La recommandation traite également du traitement neurochirurgical des hémorragies cérébrales ainsi que des indications de la prise en charge des AVC en réanimation ou en neurochirurgie.
La circulaire ministérielle et les recommandations de l'ANAES posent donc les grandes lignes d'une stratégie nationale reposant par ailleurs (et peut-être maintenant surtout) sur le travail des agences régionales de l'hospitalisation (ARH). Comme on le sait, il a été en effet décidé de mettre en place des UNV sur l'ensemble du territoire français. Chaque ARH doit nommer un responsable médical chargé d'étudier les possibilités d'implantation de ces unités, selon certains critères définis par la circulaire ministérielle et par différentes sociétés savantes.
Vers une période de transition
Faut-il le rappeler, l'hospitalisation en UNV réduit la mortalité de 20 % et augmente le nombre de patients qui peuvent rentrer indépendants à domicile. La nouvelle stratégie nationale devrait donc entraîner des bénéfices majeurs. Il est tentant de faire un parallèle entre la mise en place de ces UNV et la révolution plus ancienne accomplie par les cardiologues avec la généralisation des unités de soins intensifs coronariens ; la démarche initiale et les bénéfices attendus sont en effet comparables.
Pour revenir à la neurologie, il existe en réalité deux types d'unités à créer : les unités de soins intensifs neurovasculaires (USINV) et les UNV, la différence étant que les USINV ont un système de gardes médicales organisées 24 h sur 24. Paris ne compte actuellement que 4 USINV (Lariboisière, Salpêtrière, Sainte-Anne, Bichat) et une UNV (Tenon).
Ce système va se mettre en place progressivement. Nous entrons donc inévitablement dans une période de transition dans laquelle existera un décalage entre le souhaitable et le possible. D'une part, la circulaire et les recommandations insistent sur la nécessité d'un transport urgent en UNV, où les complications sont traitées au mieux, ce qui améliore le pronostic, et où la fibrinolyse peut être pratiquée dans les meilleures conditions lorsqu'elle est indiquée. D'autre part, les UNV sont notoirement en nombre insuffisant en France. Il faut donc souhaiter que le travail des ARH, élément essentiel de la stratégie nationale, permette de réduire ce décalage dans les meilleurs délais possibles.
D'après un entretien avec le Pr Mas (hôpital Sainte-Anne, Paris).
Un AIT est toujours une urgence
« Le message qu'il convient de faire passer est qu'il ne faut jamais temporiser face à un AIT. Cela doit toujours être considéré comme une urgence pour le patient qui doit être investigué sans tarder. Car sinon, on risque une catastrophe hémiplégique dans les heures qui suivent. » Chef du service de neurologie et du centre d'accueil et de traitement de l'attaque cérébrale de l'hôpital Bichat - Claude Bernard à Paris, le Pr Pierre Amarenco dirige aussi SOS-AIT, un Numéro Vert (0.800.888.248) gratuit et ouvert 24 heures sur 24. Exclusivement réservé au corps médical, ce numéro, lancé en janvier dernier, est destiné à aider les neurologues, les généralistes, les angiologues, les cardiologues et les ophtalmologistes à faire face à l'urgence que constitue un AIT. Unique en France, ce service, basé à l'hôpital Bichat - Claude-Bernard, fonctionne pour toute l'Ile-de-France. « Lorsqu'un médecin appelle SOS-AIT, il est mis en contact avec une infirmière qui a reçu une formation spécifique, explique le Pr Amarenco. Cette infirmière a pour mission d'accepter le patient, après s'être assurée que les symptômes ont totalement disparu. Si c'est le cas, on conseille alors au médecin d'envoyer son patient soit vers une structure publique (Bichat), soit vers une structure privée. »
Une fois le diagnostic porté et les examens réalisés (imagerie cérébrale, bilan ultrasonore des artères cervico-cérébrales, ECG, échographie cardiaque), le neurologue de l'hôpital Bichat recontacte le médecin traitant pour convenir avec lui des suites du traitement et des éventuels correspondants à qui il pourra adresser son patient.
Actuellement, SOS-AIT reçoit chaque semaine entre quatre et cinq patients victimes d'un AIT. L'objectif du Pr Amarenco est de recevoir au moins deux fois plus de patients l'an prochain.
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