Préparation magistrale mortelle

Vers une interdiction des préparations thyroïdiennes ?

Publié le 26/04/2006
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QUE S’EST-IL réellement passé dans le préparatoire de cette officine parisienne ? Huit jours après le début de l’enquête, la question est encore posée. Mercredi dernier, une première alerte était donnée par la Direction générale de la santé (DGS). Sur les 37 personnes alors identifiées pour avoir consommé une préparation magistrale à base d’extraits thyroïdiens, 16 étaient hospitalisées avec des signes de thyréotoxicose. Aujourd’hui, on sait qu’au moins 73 patients ont pris les gélules à visée amaigrissante prescrites par un endocrinologue puis délivrées par une officine, tous deux situés dans le 17e arrondissement de Paris. Mais, surtout, on craint que le décès d’une patiente de 57 ans, survenu le 14 avril, soit lié à la consommation de cette même préparation. Deux autres personnes hospitalisées sont encore dans un état critique.

La préparation mise en cause.

Une enquête administrative et une autre judiciaire ont été rapidement ouvertes. Ces enquêtes ont déjà permis de mettre en évidence plusieurs éléments : ce n’est pas la qualité de la matière première qui est incriminée, mais la préparation même des gélules.

Par ailleurs, en plus de l’extrait thyroïdien et des deux excipients attendus, un quatrième composant a été retrouvé en quantité importante par le laboratoire de l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé). Il s’agirait d’une autre «substance d’origine thyroïdienne étrangère à la préparation prescrite», précise le ministère de la Santé. Enfin, outre un possible surdosage en hormones thyroïdiennes, l’intoxication pourrait être liée à l’association d’autres produits, soit dans les gélules incriminées*, soit par le biais d’autres préparations magistrales associées. Si le problème paraît aujourd’hui circonscrit aux produits prescrits par un seul médecin et délivrés par cette seule pharmacie, contre laquelle une mesure administrative de fermeture provisoire a été requise, le ministère a toutefois «demandé à l’Afssaps et au Conseil national de l’Ordre des médecins et à celui des pharmaciens de diffuser dans les meilleurs délais une information sur les bonnes pratiques en matière de traitements amaigrissants à destination des professionnels de santé, et en particulier des pharmaciens».

En outre, le samedi 22 avril, le ministère de la Santé a saisi la DGS pour qu’elle engage immédiatement, en collaboration avec l’Afssaps et les services de l’Action sanitaire et sociale, une enquête approfondie sur l’étendue de l’utilisation de préparations magistrales dans les traitements amaigrissants en France. Xavier Bertrand a ainsi souhaité que soient prises sans délai toutes les mesures permettant d’interdire ce type de préparations magistrales à base d’extraits thyroïdiens et leur prescription, et que les professionnels qui ne respecteraient pas l’état de la science, les recommandations ou la réglementation en la matière puissent être sanctionnés.

«Dès que le procureur de la République aura saisi l’Ordre des pharmaciens, l’institution jouera pleinement son rôle et appliquera la plus grande sévérité aux contrevenants», a annoncé au « Quotidien du Pharmacien »Jean-Luc Audhoui, trésorier du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (Cnop). Dans un communiqué, le président du Cnop, Jean Parrot, rappelle «que, en application de l’article L.5132-8 du code de la santé publique (dit loi Talon) , il est strictement interdit de prescrire ou de délivrer des traitements qui associent des substances vénéneuses relevant de plusieurs groupes définis à l’article R.5132-40 du même code (diurétiques, anxiolytiques, amphétamines, hormones thyroïdiennes) ».

* Rappelons que la loi Talon interdit certains mélanges de principes actifs dans une même préparation magistrale.

La DGS alerte les prescripteurs

La Direction générale de la santé attire l’attention des médecins sur le caractère éventuellement atypique des tableaux d’hyperthyroïdie et sur les complications potentiellement graves des intoxications observées dans le cadre de cette alerte. A tout prescripteur recevant à son cabinet une personne susceptible d’être traitée par cette préparation, la DGS demande de l’informer du risque et de la nécessité d’en interrompre immédiatement la prise. En cas de troubles, la DGS recommande aux professionnels d’adresser cette personne vers un service d’urgence hospitalier et de bien signaler le cas au centre régional de pharmacovigilance (Crpv) concerné (pour l’Ile-de-France au Crpv de Paris - Fernand-Widal : 01.40.05.43.34).

> DIDIER DOUKHAN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7949