Réalité dans bon nombre de pays étrangers, la pratique Filmless a été rendue possible grâce à différentes avancées technologiques : généralisation des modalités numériques (scanner, IRM, etc.), explosion des réseaux, modernisation des systèmes d'information. En France, il faut ajouter le volet politico-réglementaire longtemps porté par les Sros (Schémas régionaux de l'organisation sanitaire) qui ont longtemps réglementé la décision d’équipement des établissements publics en matériel lourd d’imagerie. Ces différents facteurs réunis ont permis de faire basculer l’imagerie médicale française dans l’univers du numérique. Progressivement, certes. Il faut à cet égard saluer le travail sans cesse répété de la Société française de radiologie (SFR) qui a toujours plaidé pour une révolution dans ce domaine. Les années passant, le message semble entendu. Parallèlement à l’accélération de l’équipement des établissements de soins en modalités lourdes, l’imagerie médicale dans son ensemble s’ouvre au numérique. À l’hôpital, la tendance est au déploiement des systèmes d’information radiologiques (SIR) ou RIS en anglais. Ces modules sont assortis d’outils de traitement et d’analyse des images produites par les différentes modalités d’un établissement (mammographe, IRM, etc.). Ils permettent également la saisie de comptes-rendus. En fait, il s’agit d’une véritable station de travail du radiologue.
Les négatoscopes au rebut ?
La généralisation des SIR va progressivement pousser hors d’état de service les négatoscopes. Avec l’intégration de Pacs (Picture Archiving and Communication System) cette mise au rebut s’accélère dans les établissements de soins. Ce serveur de résultats d’imagerie concentre en son sein les images produites dans un établissement donné. Selon la stratégie choisie, celle de push ou de pull, les unités de soins accèdent aux images prescrites, sur leurs postes de travail. Les demandes d’état d’avancement des travaux d'imageries font dès lors partie du passé. Sur l’intranet de l’établissement, le praticien visualise les données de ses patients à l’écran, les analyse et les compare avec un éventuel historique. Cette logique poussée à son extrême permet de réaliser un bond dans l’univers filmless. Plus besoin de produire de films argentiques. Économiquement, le compte est bon. De plus, les images disponibles sur un support électronique sont largement plus sécurisées. Même en cas de désastre informatique, elles peuvent être régénérées du fait des sauvegardes permanentes réalisées. Grâce à l’évolution à la baisse du coût du disque, l’archivage et l’accès aux images deviennent plus aisés sur ces supports.
Financés par Hôpital 2012
Au vu des avantages que procurent les nouveaux composants d'imagerie, l’on est en droit de se demander comment de nombreux établissements peuvent encore fonctionner sans une telle infrastructure. Question de moyens financiers ? Ceux-ci sont apportés partiellement par le plan Hôpital 2012. Reste le calendrier et ses priorités. Il est vrai, entre déploiement du dossier patient, introduction de la prescription connectée, modernisation des infrastructures, facturation au fil de l'eau (Fides), les travaux ne manquent pas. Les projets rythment le quotidien des établissements, et beaucoup parmi eux sont consommateurs de ressources. Ajouté à cela l’imagerie, les plans de charges sont considérablement alourdis et les risques de dérapages peuvent devenir importants dans un univers hospitalier pas encore très aguerri à la culture de conduite de grands projets informatiques. Face à l’urgence du recours à l’imagerie médicale dont l’usage a de multiples impacts positifs sur la prise en charge du patient, des établissements n’hésitent plus à se lancer dans le bain et conduire le déploiement d’un RIS et d’un Pacs, parallèlement à d’autres projets technologiques.
C’est le cas au CHU de Nîmes. Parallèlement au déploiement du dossier patient, pilier de la modernisation de son système d’information hospitalier, cet établissement de soins s’est engagé dans l’intégration d’un système d’information radiologique et d’un serveur d’imagerie médicale. Le projet est conduit par une équipe pluridisciplinaire et mobilise des professionnels de santé et des informaticiens. Après une spécification des besoins et la réalisation d’un cahier des charges, point d’orgue de ce genre de projet critique, la consultation publique a été conduite avec pour objectif la sélection des technologies les mieux adaptées aux besoins du CHU. Au final, le SIR XPlore a été choisi. Comme Pacs, la solution Centricity a été préférée à ses concurrentes.
L’intégration de ces outils a été conduite en partenariat avec leurs différents éditeurs. En interne, la maîtrise d’ouvrage, importante dans ce genre de projet, a joué un rôle important dans le paramétrage des solutions. Quant à l’équipe informatique, elle s’est penchée sur le volet destiné à l’installation de ces systèmes, leur interfaçage et surtout la mise en place d’une infrastructure dédiée au stockage et à l’archivage des données. Les solutions de disques ont été préférées à celles de bandes magnétiques. Ce qui a un impact sur la vitesse d’accès aux images. Aux dires d’un utilisateur, les conditions de visualisation de l’imagerie sont largement satisfaisantes.
Un déploiement progressif
Le déploiement est effectué progressivement, comme pour tout projet de cette dimension. L’une des plus grandes transformations concerne les radiologues qui ont désormais un espace de travail nouveau composé de trois écrans : deux sont destinés au Pacs, un au RIS. Cette palette d’outils a été connectée au dossier patient, un outil construit à partir de l’offre Clinicom de Siemens. Elle est peu à peu alimentée par les différents systèmes d’imagerie existant au sein du CHU de Nîmes. Les équipements lourds ont été les premiers à y être branchés. Ils y déversent leur gros volume d’images. Après traitement et analyse, celles-ci sont déposées dans le Pacs où elles sont mises à la disposition des unités de soins qui les ont commandées. À celles-ci de venir les chercher.
Pour les radiologues comme pour les unités de soins, l’imagerie numérique permet d’effectuer un pas vers un hôpital sans film. Il faudra auparavant finaliser le déploiement des solutions intégrées et mener une aide au changement importante. Car passer d’un support d’imagerie physique à une solution numérique ne s’improvise pas. Quoi qu’il en soit, les retombées économiques de cette solution (réduction des charges liées à l’utilisation de l’argentique notamment) ainsi que ses impacts sur la prise en charge du patient sont très importantes, au point de conférer à ce projet une valeur stratégique.
À cause identique, effets similaires. Les mêmes projets réalisés dans les autres établissements vont générer des économies non négligeables et une réorganisation du travail du radiologue. Aux Hospices civils de Lyon (HCL), l’impact sur ce dernier est largement palpable. Un pôle d’activité médicale (PAM) dédié à l’imagerie ainsi vu le jour. Pour chaque groupe hospitalier, il regroupe le service d’imagerie médicale et de médecine nucléaire.
Hors du cas de ce mastodonte qui est désormais un familier de l’imagerie médicale, d’autres usages existent. Le CHU de Bordeaux a bouclé son projet lancé il y a quelques années. Quant à son homologue de Nantes, il est en train de moderniser son système de Pacs. L’objectif intermédiaire de ces différents groupes hospitaliers est de généraliser la dématérialisation des images au sein de leurs établissements. Cela n’est qu’un premier pas, car ils veulent s’ouvrir aux autres structures de soins dans le cadre de réseaux régionaux et du projet région sans film.
Le projet région sans film est également abordé par d’autres périmètres géographiques. Un seul exemple : celui de l’Aquitaine. Le projet Iris Aquitaine, c’est son nom, vise à donner à chaque établissement de la région, public ou privé, la capacité de visualiser les bases d’images de ses partenaires. L’objectif étant de permettre aux professionnels de santé d’accéder à l’historique de l’imagerie de leurs patients.
Parties des établissements de soins, la numérisation et la diffusion de l’imagerie médicale se propagent telle une traînée de poudre. Si pour l’heure cette imagerie est en demi-teinte, elle permet déjà à certains hôpitaux d’envisager le concept de filmless. À terme, cette logique sera déclinée à l’échelle régionale. Puis nationale, avec le soutien des pouvoirs publics. Mais beaucoup reste à faire.
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