Vers une expérimentation rapide de l'évaluation des compétences des médecins

Publié le 11/11/2003
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Le Pr Yves Matillon vient de remettre à Jean-François Mattei un rapport sur les « modalités et conditions d'évaluation des compétences » des professionnels de santé. Une somme de près de cent pages, commandée par les ministres de la Santé et de l'Education nationale à l'ancien directeur général de l'ANAES (Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé) il y a tout juste un an.

Dans leur lettre de mission, Jean-François Mattei et Luc Ferry expliquaient que « la compétence professionnelle des différents métiers de la santé » était, « dans le domaine de l'évaluation de la qualité des soins », une « dimension insuffisamment étudiée ». Ils demandaient à Yves Matillon de dessiner les contours de cette compétence, de répertorier les expériences françaises et étrangères déjà existantes, de définir les responsabilités des organisations professionnelles dans un futur dispositif d'évaluation.
C'est chose faite. Le Pr Matillon a rencontré des représentants des seize professions de santé (1), voyagé (notamment dans les pays anglo-saxons, très « en avance ») en faisant un crochet du côté des métiers qui évaluent déjà leurs connaissances et le maintien de leur savoir (« les aviateurs, les guides de haute montagne... ») et épluché les lois et les règlements. Il propose d'abord une définition de la compétence qui, ainsi qu'il l'explique au « Quotidien », fait l'objet d' « un accord assez fort des professionnels ».
La compétence, écrit-il, « peut être validée par l'obtention d'un diplôme initial, la mise en œuvre d'une formation continue, une activité professionnelle effective, et un mécanisme de mise en œuvre de revue par les pairs réguliers, s'ils existent ». Ainsi présentée, la compétence - et notamment celle des médecins -, dès lors qu'elle est évaluée, peut jouer un rôle déterminant dans au moins trois domaines, explique Yves Matillon : l'amélioration de la qualité du service rendu par les médecins et de l'information des usagers ; la certification des médecins (et le développement d'outils d'amélioration de leur pratique comme la FMC et l'évaluation des pratiques - actuellement expérimentée pour les seuls libéraux) ; la régulation de la démographie médicale. Il ajoute à cette liste l'idée de partage et de redistribution des tâches entre les différents métiers de la santé : les fameux « transferts de compétences » que prônent aujourd'hui tous ceux qui se penchent sur les sous-effectifs de certaines spécialités médicales.

Les leçons étrangères

De l'examen des expériences étrangères (britannique, australienne, canadienne, hollandaise, espagnole, etc.) comme de celui des initiatives françaises ( « foisonnantes », « indépendantes » et « souvent catégorielles »), le Pr Matillon tire un certain nombre de leçons (en particulier, le caractère « volontaire » des démarches d'évaluation des compétences, la « pluralité » des acteurs intervenant dans ces démarches, la nécessité de construire des dispositifs « simples »).
En France, si l'on veut passer à la vitesse supérieure, il faut « améliorer la cohérence et la qualité des objectifs et des méthodes utilisées ». Les médecins sont-ils prêts à franchir ce pas ? « Intellectuellement, oui », répond Yves Matillon, mais concrètement, « c'est un peu plus compliqué », notamment parce que les responsabilités en matière de compétences sont multiples - les ordres professionnels, les acteurs de la FMC, les unions régionales des médecins (URML) ont légitimité à intervenir. Face à la complexité de la situation, le rapport propose que la mission interministérielle sur l'évaluation des compétences soit maintenue et qu'elle pilote un « dispositif expérimental », en accord avec les syndicats et les professionnels.

(1) Les médecins, les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes, les pharmaciens, les préparateurs en pharmacie, les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, les pédicures-podologues, les ergothérapeutes, les psychomotriciens, les orthophonistes, les orthoptistes, les manipulateurs d'électrocardiologie médicale, les audioprothésistes, les opticiens-lunetiers, les diététiciens sont concernés.

Karine PIGANEAU

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7423