DANS LE DOMAINE cardio-vasculaire, la décision de traiter un patient n'est plus fondée sur la notion de valeur anormale d'un seul paramètre, mais s'appuie plutôt sur la notion de risque cardio-vasculaire absolu (absolu car tenant compte de tous les facteurs de risque). De la même manière, le risque de fracture peut faire l'objet d'une évaluation chiffrée depuis la mise à disposition de l'outil d'évaluation des risques de fracture de l'OMS ou outil FRAX (1). L'évaluation du risque par l'outil FRAX est fondée sur des études épidémiologiques de type cohortes de populations qui ont été menées en Europe, en Amérique du Nord, en Asie et en Australie. C'est donc pour ces populations que l'outil FRAX peut être utilisé. Il indique, pour chaque patiente, son risque absolu de fracture ostéoporotique majeure à dix ans à la hanche, la colonne vertébrale, l'avant-bras et l'épaule. Il est donc destiné à dépister les patientes à risque élevé.
Chez les femmes à risque.
L'objectif de l'outil FRAX est de diagnostiquer les femmes à risque de fractures, sachant que la moitié de celles-ci surviennent chez des sujets n'ayant pas d'ostéoporose densitométrique. Cependant, dans sa version actuelle, de multiples interrogations demeurent quant à l'utilité du FRAX en clinique, et il est pour l'instant considéré comme un outil éducationnel et non encore clinique. Il a actuellement pour finalité de permettre aux cliniciens et aux patients de se familiariser avec la notion de risque absolu de fracture ostéoporotique, qui est multifactoriel, alors que son évaluation par la mesure de la densité minérale osseuse est monofactorielle.
Ce risque est calculé en fonction de divers paramètres, qui sont l'âge du patient, son sexe, son poids, sa taille, l'existence d'antécédents personnels de fractures, d'antécédent parental de fracture de hanche, de l'exposition à un traitement cortisonique, au tabac, à un excès d'alcool, d'antécédents de polyarthrite rhumatoïde ou de cause secondaire d'ostéoporose, ainsi que sur la valeur de la densité osseuse, mesurée au col fémoral.
L'outil FRAX est disponible sous forme informatique en libre accès sur le site Web de l'université de Sheffield (2). Le site propose également une version papier de cet outil. Il s'agit de tableaux utilisables chez les hommes et les femmes âgés de 50 ans ou plus, pour la Chine, la France, l'Italie, le Japon, l'Espagne, la Suède, la Turquie, le Royaume-Uni et les États-Unis.
Un usage clinique encore mal défini.
Ainsi, l'outil FRAX n'est pas utilisable pour toutes les populations, mais seulement pour celles qui ont fait l'objet d'une étude épidémiologique. Ainsi, ce n'est pas le cas de l'Allemagne. De même, les résultats constatés pour la France ne sont pas applicables à toutes les populations vivant dans notre pays, par exemple, les femmes africaines. Et il ne s'applique pas à toutes les tranches d'âge, les données disponibles étant peu nombreuses pour les femmes de moins de 50 ans.
Par ailleurs, cet outil ne permet pas en soi de poser une indication thérapeutique, « qui reste un objet de jugement clinique ». Il est par ailleurs inutile chez les femmes chez lesquelles l'indication thérapeutique est bien posée en son absence. C'est, par exemple, le cas chez une femme ayant des antécédents de fracture ou sous traitement par cortisone, ou encore si une mesure de la densité minérale osseuse a déjà été pratiquée et que le résultat montre un T-score inférieur à – 3. Il faut également noter que l'outil FRAX sous-évalue le risque de fracture, en particulier chez les femmes de moins de 60 ans. Son utilisation peut en revanche se révéler très judicieuse comme aide à la décision chez une femme dont les données de la mesure de la DMO sont fortement divergentes au rachis lombaire et à la hanche. Dans certains pays, un seuil d'intervention thérapeutique a été néanmoins défini. Il serait possible d'extrapoler ces seuils pour une utilisation en France, pays dans lequel ils n'ont pas été définis.
D'après un entretien avec le Pr Patrice Fardellone, CHU d'Amiens.
(1) Kanis JA et coll. FRAX and the assessment of fracture probability in men and women from the UK. Osteoporos Int 2008;19(4):385-97.
(2) OMS FRAX. Outil d'évaluation des risques de fracture. En ligne [www.shef.ac.uk/FRAX/].
Informer les cliniciens
La Société française de rhumatologie va communiquer des données informatives aux cliniciens sur l'intérêt de l'outil FRAX, tout comme cela a été récemment fait par l'International Osteoporosis Foundation (IOF) par les Prs C. Roux, T. Thomas et P. Orcel. Un atelier a en effet été mis au point par l'IOF pour familiariser les rhumatologues avec cet outil innovant, afin qu'ils puissent le manier et en assurer la « promotion » auprès des médecins généralistes et des patientes. L'objectif de cette promotion est de populariser la notion de facteurs de risque d'ostéoporose.
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