LES TRAVAUX d'une équipe de recherche de la Harvard Medical School pourrait aboutir au développement du premier traitement spécifique de la dengue. Chu et coll. ont en effet découvert que deux inhibiteurs de la c-Scr protéine kinase, le dasatinib et l'AZD0530, ont la capacité de bloquer la multiplication intracellulaire des quatre sérotypes du virus de la dengue.
Pour parvenir à l'identification de ces deux potentiels nouveaux antiviraux, Chu et coll. ont commencé par mettre au point une méthode permettant le criblage systématique à grande échelle de molécules susceptibles d'interférer avec la réplication du virus de la dengue. Cette méthode se fonde sur l'utilisation d'un système automatisé de microscopie à fluorescence qui permet de mesurer la réplication virale en déterminant le nombre de cellules infectées trois jours après l'inoculation de cultures cellulaires avec le virus de la dengue (multiplicité de l'infection = 1).
Le procédé a été utilisé pour tester l'activité antidengue d'une collection de cent-vingt molécules peu cytotoxiques, connues pour bloquer l'activité de protéines kinases. Chu et coll. ont en effet émis l'hypothèse que cette catégorie de substances pouvaient interférer avec la capacité du virus à se multiplier dans les cellules de mammifère, la phosphorylation de certaines protéines virales intervenant dans de nombreuses étapes du cycle du virus.
Le criblage a mis en évidence 18 inhibiteurs de kinase conduisant à une réduction de 50 % du nombre de cellules infectées par le virus de la dengue après trois jours d'incubation. L'activité antidengue de ces 18 substances a été confirmée grâce au test classique de quantification des plages de lyse.
Etape précoce ou tardive du cycle de réplication virale.
Au cours de cette deuxième série d'expériences, les chercheurs ont commencé à caractériser les mécanismes d'action antivirale des différentes molécules testées : afin de déterminer si les inhibiteurs de kinase bloquent la multiplication virale en agissant sur une étape précoce ou tardive du cycle viral, Chu et coll. les ont délivrés dans les cultures soit avant, soit après l'inoculation par le virus de la dengue. Il est ainsi apparu que certaines substances ne bloquent la multiplication du virus de la dengue que dans la mesure où elles étaient présentes dès le moment de l'inoculation (ce qui suggère l'existence d'une activité ciblant des étapes précoces du cycle de réplication virale), alors que d'autres agissent uniquement si elles sont délivrées plus tardivement.
Chu et coll. ont décidé de poursuivre leur étude en se focalisant sur deux des inhibiteurs agissant sur une étape tardive du cycle de réplication du virus de la dengue : le dasatinib et l'AZD0530. Ces deux molécules ont été retenues car elles ont déjà été étudiées dans le cadre de la recherche antitumorale. On sait qu'elles ciblent principalement les Scr-protéines kinases et que leur administration n'est pas toxique.
Leucémies, tumeurs solides.
Le dasatinib est une thiazolylaminopyrimidine utilisée dans le traitement des formes leucémies myéloïdes chroniques résistantes à l'imatinib. L'AZD0530 est, quant à lui, une quinazoline actuellement testée dans le cadre de la prise en charge de différents type de cancers (leucémies et tumeurs solides).
L'utilisation d'ARNi permettant d'inhiber l'expression de la protéine c-Scr a permis de confirmer que l'activité antidengue du dasatinib et de l'AZD0530 passe effectivement par une inhibition des Scr-protéines kinases. Des expériences complémentaires de microscopie à fluorescence et de microscopie nucléaire ont en outre révélé que les deux molécules agissent en bloquant l'étape d'assemblage des virions néoformés dans les cellules infectées : les composants des nouvelles particules virales sont synthétisés, mais ils s'accumulent dans le réticulum endoplasmique des cellules sans pouvoir s'en échapper et infecter d'autres cellules.
J. Chu et coll., « Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée.
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