Surveillance syndromique

Vers un « Sursaud » européen

Publié le 28/09/2008
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LANCER L'ALERTE le plus tôt possible. Face aux risques épidémiques et aux maladies transmissibles, l'Union européenne s'est dotée à cet effet, dès 2004, d'une première structure : l'ECDC (Centre européen de prévention et de contrôle des maladies), basé à Stockholm. Restent à surveiller toutes les autres menaces qui pèsent sur la santé publique européenne, par nature indéfinies, pour, selon la formule du Pr Gilles Brücker, «prévoir l'imprévisible»: c'est le concept de surveillance syndromique, apparu aux États-Unis au début des années 2000, surtout axé là-bas sur les actes de malveillance, terroristes ou autres. Ces nouveaux dispositifs seront au coeur des débats du séminaire réuni jeudi et vendredi à l'InVS (Institut de veille sanitaire).

Euro Heat et Euro Momo.

Les représentants des 27 pays de l'UE, de l'OMS Europe et de l'ECDC vont confronter leurs expériences respectives. Deux d'entre elles ont déjà un format européen : Euro Heat, qui fonctionne sur Internet depuis 2003, vise à surveiller l'impact en temps réel d'une vague de chaleur ; et Euro Momo (pour Mortality Monitoring), un projet lancé l'an dernier, qui cherche à harmoniser la saisie en temps réel des données de mortalité.

Plusieurs pays vont présenter leurs dispositifs nationaux : le Royaume-Uni, avec NHS Direct, une ligne téléphonique dédiée à l'aide et à l'orientation des particuliers affrontés à une situation d'urgence ; l'Italie et le Portugal, avec des systèmes d'alerte canicule ; le Danemark, avec la saisie des anomalies des données de décès. Sans oublier les Pays-Bas, qui ont testé des hypothèses de travail novatrices.

Mais c'est le système français Sursaud qui devrait tenir la vedette. Créé en 2004, il repose sur la combinaison de trois sources de données centralisées par l'InVS et gérées par sa cellule de coordination des alertes (CCCA) : les consultations aux urgences de 120 établissements hospitaliers, avec l'âge, le sexe, la gravité, le diagnostic médical et l'orientation. En 2012, c'est la totalité des 600 services urgentistes de métropole et des DOM-TOM qui seront reliés à ce réseau baptisé Oscour (Organisation de la surveillance coordonnée des urgences). Le réseau SOS Médecins, avec aujourd'hui 48 des 60 associations opérationnelles en France, délivre aussi ces informations issues de ses standards téléphoniques informatisés (avec les maladies ou symptômes évoqués par l'appelant et, chaque fois que c'est possible, le diagnostic posé par le médecin en fin de visite et l'éventuelle orientation vers un établissement de soins).

Enfin, les données de mortalité sont fournies, d'une part, par l'INSEE, qui regroupe la totalité des services d'état civil informatisés, soit 1 042 communes qui représentent 70 % des décès en France et, d'autre part, les données enregistrées par le CépidDC (centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès) de l'INSERM, dans le cadre de la certification électronique.

En croisant systématiquement et quotidiennement ces trois bases de données, Sursaud a apporté la démonstration de sa capacité à repérer en temps réel les événements imprévisibles à deux occasions : la canicule de l'été 2006 et l'épidémie de chikungunya à la Réunion, en 2005 et 2006.

«Sans équivalent dans le monde, cette surveillance permanente ne nécessite aucune charge de travail supplémentaire aux réseaux qui l'alimentent», souligne le Dr Loïc Josseran, responsable à l'InVS du système, qui va tenter de rallier ses partenaires à la cause syndromique.

Deux difficultés devront encore être surmontées : la grande disparité de moyens qui règne entre pays européens pour le recueil en temps réel des informations. Et, en corollaire, l'absence de lignes budgétaires dédiées par Bruxelles à cette veille sanitaire d'un nouveau type. Le Dr Josseran se veut cependant optimiste : «Nous allons dans le sens de l'histoire, assure-t-il, en observant que chaque nouvelle crise fait progresser un peu plus les pays. À cet égard, sans la canicule de l'été 2003, Sursaud n'aurait pas vu le jour.»

Prochaine étape, une société savante européenne de surveillance syndromique devrait voir le jour en 2009, qui préludera à la création d'une structure opérationnelle. Avant le temps de la connexion des systèmes informatiques, c'est celui de la connexion personnelle des épidémiologistes européens.

> CHRISTIAN DELAHAYE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8428