LA PRISE EN CHARGE des ulcères de jambe veineux ou mixtes artério-veineux répond toujours à un schéma simple, mais pas toujours si facile à respecter. Elle débute par la pratique d'un écho-Doppler artériel et veineux. Cet examen confirme l'étiologie veineuse post-thrombotique et/ou superficielle et précise la part de l'artériopathie éventuelle associée. Il permet ensuite d'adapter le traitement étiologique (suppression des gros reflux et veines superficielles incontinentes, chirurgie artérielle éventuelle, décision de contention seule...).
La deuxième étape de la prise en charge est la contention. Systématique dans les ulcères à prédominance veineuse, elle doit apporter idéalement, dans l'ulcère veineux pur, au moins 30 mmHg à la cheville. Concernant le choix du type de contention (plus ou moins élastique, fixe ou amovible...), les études ont montré que la meilleure contention est surtout celle que le patient porte réellement. La compliance à la contention doit rester, par ailleurs, une attention permanente du médecin et de l'infirmière.
Les soins locaux complètent la prise en charge des ulcères de jambe. La panoplie des pansements disponibles s'est fortement enrichie ces dernières années et mêmes les dermatologues, pourtant bien formés, ont parfois du mal à s'y retrouver. Certains, de peur de se noyer, préfèrent les produits anciens. Ce qui est regrettable car un intérêt majeur des nouveaux pansements est l'espacement des applications, qui procure, outre un gain économique, une meilleure qualité de vie au patient. On peut rappeler de façon schématique que le choix se fera, d'une part, en fonction du caractère plus ou moins exsudatif de la plaie : pansements peu absorbants (hydrocolloïdes classiques), moyennement absorbants (hydrocellulaires) ou plus absorbants (alginates, hydrofibres) et, d'autre part, du besoin de détersion (alginates, hydrogels..). Les tulles classiques, contenant du baume du Pérou ou de la néomycine, sont en partie abandonnés en raison de leur caractère allergisant. Les nouveaux tulles vaselinés stériles ou avec hydrocolloïdes ont une indication dans les ulcères bourgeonnants peu exsudatifs.
Un meilleur contrôle de la douleur, en particulier à la phase de détersion, est aussi un point sur lequel on devient plus vigilant. Pour améliorer le confort du patient avant les soins, on peut envisager l'application d'Emla, seul anesthésique local ayant l'autorisation d'utilisation dans l'indication ulcère. Il faut cependant respecter les contre-indications et les précautions d'emploi. Il convient de ne pas utiliser plus de 10 g (2 tubes) par pansement et de ne pas dépasser 8 applications par épisodes ulcéreux afin d'éviter une accumulation sanguine éventuelle
Les antalgiques, par voie orale, avant le pansement (et éventuellement couvrant le nycthémère en fonction de la douleur) sont souvent utiles. L'utilisation de morphiniques s'avère parfois nécessaire en cas d'échec des antalgiques de niveau inférieur. Une étude prospective multicentrique française (1) sur l'intérêt de l'anesthésie par gaz analgésiant (entonox : mélange de protoxyde d'azote et d'oxygène pur) à la phase de détersion de certains ulcères est en cours de réalisation.
Enfin, la place des médicaments dits adjuvants (phlébotoniques...) dans le traitement des ulcères de jambe veineux n'est pas encore codifiée, en dehors de leur intérêt prouvé sur les signes fonctionnels veineux.
Mieux comprendre les facteurs liés à une bonne cicatrisation.
L'apparition de produits issus de la biotechnologie, substituts cutanés et facteurs de croissance, n'a pas, pour le moment, apporté les progrès thérapeutiques espérés dans l'ulcère de jambe, en raison de difficultés d'utilisation liées aux produits eux-mêmes et des résultats décevants des premières études menées. L'utilisation de kératinocytes autologues, comme ceux isolés et cultivés à partir de follicules pileux, pourrait être utile dans les ulcères des jambes récalcitrants. Par contre, l'apparition de ces produits chers pour lesquels il est nécessaire de cibler les groupes de patients bénéficiaires a provoqué un regain d'intérêt pour l'ulcère de jambe. En effet, plusieurs grandes équipes, en particulier américaines, ont étudié les facteurs pronostiques de cicatrisation des ulcères sur de grandes séries de patients. Ces études rétrospectives n'ont pas encore été validées en prospectif. Elles ont cependant dégagé de nouveaux concepts. Ainsi, on peut séparer, dès la première consultation et/ou à la fin du premier mois, les ulcères « de bon pronostic » qui vont cicatriser sous traitement standard de ceux qui ont peu de chance de cicatriser et pour lesquels un traitement plus « agressif » sera nécessaire. Margolis propose un score simplifié opposant l'ulcère évoluant depuis moins de six mois et dont la surface est inférieure à 5 cm2 à l'ulcère évoluant depuis plus de six mois et dont la surface excède 5 cm2. Une étude prospective multicentrique française (2), en cours, étudie les facteurs pronostiques de cicatrisation des ulcères. Les variables prises en compte dans cette étude sont, non seulement les facteurs médicaux, mais aussi la compliance au traitement et les facteurs psycho-sociaux dont on pense qu'ils pourraient jouer un rôle dans le retard à la cicatrisation.
La meilleure connaissance des causes de retard à la cicatrisation permettra d'améliorer la prise en charge globale de ces patients, ce d'autant que cette pathologie représente un coût social et économique important.
* Service de dermatologie de l'hôpital Sud, CHU Amiens.
(1) Investigateur principal Pr M.A. Richard dermatologie, CHU Marseille
(2) Investigateur principal Dr C. Lok dermatologie hôpital Sud, CHU Amiens
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