UNE ÉQUIPE de chercheurs de l'université du Michigan a peut-être découvert une molécule capable de stopper net la croissance de près de 50 % des tumeurs cancéreuses humaines, celles dans lesquelles le suppresseur de tumeur p53 n'est pas muté, mais seulement inactif. La molécule mise au point par Sanmao Wang et coll. agit en rétablissant l'activité de p53 dans ces cellules. Cette réactivation entraîne l'arrêt de la division des cellules tumorales et déclenche même leur mort par apoptose.
Le suppresseur de tumeur p53 joue un rôle particulièrement important dans le contrôle de la prolifération cellulaire. Il est en particulier essentiel au fonctionnement du système de sécurité qui s'oppose à la division des cellules présentant des lésions génétiques susceptibles de conduire à un cancer.
L'analyse moléculaire d'un très grand nombre de cancers humains a révélé que la protéine p53 est pratiquement systématiquement inactive dans les cellules tumorales. Dans 50 % des tumeurs, le phénomène est dû à la présence de mutations dans le gène codant pour le suppresseur de tumeur. Mais, dans l'autre moitié des cas, l'inactivité de p53 résulte de la présence d'une oncoprotéine, MDM2. Cette protéine interagit avec p53 et inhibe son activité protectrice.
Divers travaux ont suggéré que, en s'opposant à l'interaction MDM2/p53, il pourrait être possible de restaurer la voie p53 dans les cellules tumorales possédant une copie non mutée du gène codant pour le suppresseur de tumeur. Malheureusement, toutes les molécules disponibles capables de produire un tel effet se sont révélées trop toxiques pour être envisagées à des fins thérapeutiques.
Une molécule synthétique.
Wang et coll. ont décidé de contourner ce problème en produisant une molécule synthétique capable de s'opposer de la manière le plus spécifique possible à l'interaction entre l'oncoprotéine et le suppresseur de tumeur. La molécule produite a été nommée MI-129.
Les chercheurs ont évalué les propriétés antitumorales de la molécule dans des cellules humaines en culture, puis in vivo chez la souris.
Les expériences conduites sur les cellules en culture ont permis de confirmer que MI-129 induit une réactivation de la voie p53 dans les cellules tumorales qui possèdent une version non mutée du gène codant pour le suppresseur de tumeur. Cet effet est associé à l'arrêt du cycle cellulaire et au déclenchement de la voie apoptotique.
In vivo, dans le modèle de la souris xénogreffée, l'administration de la molécule par voie orale a conduit également à une réactivation de la fonction p53. Cet effet, transitoire, s'accompagne d'une inhibition complète de la croissance tumorale et parfois même d'une réduction du volume des tumeurs. En outre, la molécule ne semble exercer aucune cytotoxicité au niveau des tissus sains. Aucun effet délétère du traitement n'a été observé.
L'ensemble de ces résultats est suffisamment prometteur pour qu'un essai clinique de phase 1 puisse être envisagé. Les chercheurs espèrent le voir démarrer avant la fin de l'année 2008.
Shangary S et coll. « Proc Nalt Acad Sci USA », édition en ligne avancée.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature