Ce serait une première : en 2009, selon notre confrère Le Quotidien du médecin, presque autant de médecins étrangers sont arrivés sur le marché que de médecins français. Parmi eux, les fameux Padhue, praticiens diplômés hors Union européenne, qui représentent quelque 30% des effectifs médicaux de l’AP-HP, et font "tourner" bien des hôpitaux locaux et généraux dans notre France profonde. Après avoir vilipendé en 2009 la procédure d’autorisation d’exercice (PAE) et sa fameuse épreuve de français, jugée inique, les Padhue et leurs syndicats semblent avoir eu gain de cause : le décret du 30 avril issu de la loi HPST assouplit la procédure. Il n’empêche : théoriquement, la procédure d’autorisation d’exercice (PAE), qui a permis d’obtenir une équivalence au diplôme français pour un nombre important de praticiens hospitaliers diplômés hors de l’UE, s’arrêtera à la fin de l’année 2011. « Il y aura forcement un prolongement de la PAE par le biais d’une nouvelle loi, les besoins restent importants dans certaines spécialités et de nombreux établissements continuent de recruter des praticiens diplômés hors de l’UE », explique Serdar Dalkilic, délégué européen de la Fédération des praticiens de la santé (FPS). Comment donc en est-on arrivé à considérer le recours aux Padhue comme inéluctable ? « C’est la mauvaise gestion des effectifs en formation via le numerus clausus qui explique cette situation. L’objectif était de faire baisser les frais de santé en réduisant le nombre d’étudiants passant en deuxième année de 7 000 à 3 000 entre 1985 et 1990. Pour faire face aux besoins, on a substitué au manque d’internes formés en France, des internes venus de l’étranger sous prétexte de les former. Mais ces derniers ne repartaient pas. Ils étaient embauchés en qualité de Faisant fonction d’interne (FFI) », explique Talal Annani, président du Syndicat national des praticiens à diplôme hors de l’Union européenne (SNPADHUE). Selon ses estimations, 10 000 médecins auraient régularisé leur situation ces dix dernières années par ce biais. Au bas mot, ils seraient 20 000 médecins diplômés hors UE à travailler en France. Car, au delà du contingent des Padhue ayant obtenu leur PAE, d’autres qui ont échoué seraient FFI, ou exerceraient sous le statut d’aide soignant ou d’infirmier.
Procédures
Gérée par le Centre national de gestion (CNG), la PAE est définie par les articles 60 et 61 de la loi de 1999 instituant la CMU, dont le décret d’application n’a été publié que le 10 juin 2004. Elle s’adresse aux médecins diplômés hors de l’Union européenne qui ont été embauchés comme internes en France pour suivre une spécialité non enseignée dans leur pays d’origine. À l’issue de leur spécialisation, s’ils ne rejoignent pas leur pays d’origine, ils sont intégrés comme attaché associé. « Il ne s’agit pas d’un statut de plein exercice, ils travaillent sous la responsabilité d’un confrère diplômé en France. Ils ont jusqu’en 2011 pour réussir la PAE. Ensuite, ils travaillent trois ans sous ce statut PAE avant d’obtenir une équivalence pleine et entière de praticiens hospitaliers, à l’instar de leurs confrères français », explique la Fédération hospitalière de France (FHF). Cette procédure est complexe ; qui plus est, trouver un service pour exercer pendant les trois années exigées avant d’obtenir le statut de PH est souvent un chemin de croix. Néanmoins, comme le souligne la Fédération des praticiens de santé (FPS), ce statut précaire a connu de nombreuses améliorations. Les dernières en date sont issues de la loi HPST. Dorénavant, tous les candidats peuvent passer les épreuves trois fois plutôt que deux, tandis que l’examen de langue française est remplacé par un certificat délivré par des organismes comme l’Alliance française. Ainsi 3 552 candidats ont participé aux épreuves en 2009 contre 2 142 en 2008. Enfin, il faut souligner qu’il existe deux voies d’accès différentes à la PAE. Ainsi, pour les praticiens présents en France avant le 10 juin 2004, l’obtention du statut repose sur un examen. Si le médecin est résident depuis une date postérieure au 10 juin 2004, il passe un concours, comme le souligne Armelle Drexler2.
Parallèlement à la PAE, il existe une deuxième procédure pour permettre à un médecin diplômé hors UE d’exercer en France sous le statut de Faisant fonction d’interne (FFI). Dès cette année, un concours international unique a été organisé le 10 mars dernier par la faculté de Strasbourg. Les candidats l’ont passé dans les ambassades françaises de leur pays d’origine. Chaque CHU informe au préalable l’université de ses besoins. Les candidats font part de leur choix. Mais seules les places que n’ont pas voulues les internes français sont proposées. Ensuite, c’est l’université de Strasbourg qui répartit les candidats. Cette année, il y avait 1 100 places à pourvoir, dont 350 à l’AP-HP, pour 1 800 candidats, dont 465 Tunisiens.
« Dorénavant, ceux qui réussiront ce concours obtiendront un diplôme de formation médicale spécialisée pour ceux qui ont débuté une spécialisation dans leur pays d’origine et qui comptent finir leurs études en France. Ceux qui veulent suivre une spécialisation complète en France passeront un diplôme de formation médicale spécialisée approfondie. Mais, à l’issue de cette spécialisation, ils sont censés repartir dans leur pays d’origine. Seul le statut PAE permet de s’installer », explique René Faure, médecin et inspecteur de santé publique à l’ARS de Picardie. En soulignant que nombre d’entre eux tentent d’obtenir un PAE à l’issue de cet examen. Ceux qui n’obtiennent pas de PAE et qui sont arrivés après le 10 juin 2004 en France restent embauchés comme FFI.
Pour ceux dont l’installation est antérieure au mois de juin 2004, leur éventail de choix est beaucoup plus varié. Ils peuvent prétendre au statut senior qui permet de signer des ordonnances, mais suppose de travailler sous la responsabilité d’un pair français. Le deuxième statut est assistant associé et permet de travailler à temps plein pendant 6 ans maximum. Le troisième statut est attaché associé, similaire à celui des attachés français. Le dernier est praticien adjoint contractuel.
10 % de FFI dans les hôpitaux publics
« Nous n’avons aucune visibilité sur ces parcours. Les FFI représenteraient à peu près 10 % des praticiens de santé dans le secteur public. La plupart travaillent dans les services d’urgence, de pédiatrie, de chirurgie, de gynécologie, généralement dans des établissements situés dans des zones défavorisées ou dans des petites agglomérations », explique Jamil Amhis, président de la FPS. Néanmoins, la majorité de ces praticiens sont localisés dans des centres hospitaliers, et non dans des hôpitaux locaux, comme le souligne Jean-Yves Blondel, président de l’Association nationale des hôpitaux locaux (ANHL). « Nous fonctionnons principalement avec les médecins de ville. Les effectifs de praticiens sont très réduits dans nos établissements. » Ainsi, au centre hospitalier de Cosne-sur-Loire, trois des neufs médecins ont un diplôme obtenu hors de l’UE, comme le souligne Martine Guimiot, la présidente de la CME de l’établissement : « Ils sont assistants associés depuis six ou sept ans. Tous ont entrepris un parcours pour obtenir l’équivalence. Nous pensons qu’ils resteront ici, une fois leur équivalence obtenue. »
« Il faut savoir que 30 % des praticiens de l’AP-HP ont des contrats précaires. D’une manière générale, on préfère prendre un médecin étranger avec un contrat de six mois, plutôt que de l’embaucher en CDI », poursuit Talal Annani. Hussards bleus de l’accès aux soins pour tous, mais aussi soutiers de la permanence des soins, les praticiens hospitaliers diplômés en dehors de l’Union européenne sont depuis très longtemps la variable d’ajustement de l’hospitalisation publique, selon Christophe Prudhomme, médecin urgentiste, membre de la CGT. « Les médecins étrangers se voient proposer ces contrats par leurs collègues. Ils permettent d’assurer la permanence des soins. Ils assument les tâches comme les gardes les jours de fête que personne ne veut faire. Leur situation arrange tout le monde. Un certain nombre de régularisations ont eu lieu avec intervention de la Halde. »
Pendant très longtemps, les praticiens diplômés à l’étranger qui garantissaient le fonctionnement de l’hospitalisation publique provenaient d’anciennes colonies françaises. C’est désormais de moins en moins le cas. Ainsi, selon les chiffres du conseil de l’ordre des médecins pour l’année 2009, les Algériens représentent près de 10 % de la totalité des médecins d’origine étrangère en France, le Maroc (7 %) et la Tunisie (4 %). Avec l’entrée dans l’Union européenne des pays d’Europe de l’Est, les diplômes délivrés par les facultés de médecine de ces pays permettent d’exercer dorénavant en France, si bien que les Roumains sont en deuxième position juste derrière les Belges, la première nation représentée chez les médecins. Les hôpitaux publics français sont désormais moins tributaires des praticiens diplômés hors de UE. Mais ces derniers restent indispensables, car les médecins issus des pays de l’Est préfèrent s’installer dans les pays anglo-saxons et ne sont de toute façon pas tenus d’exercer dans la fonction publique hospitalière. Le prolongement de la PAE semble donc inéluctable et souhaitable, tout autant pour les diplômés de l’autre rive de la Méditerranée que pour le bon fonctionnement de nos établissements.
2. Auteur d’un mémoire intitulé Le défi du recrutement des médecins à diplôme étranger dans les hôpitaux publics.
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