Par le Pr PHILIPPE DOUEK*
LE DEVELOPPEMENT combiné de la rotation rapide inférieure à 0,4 seconde, de détecteurs multiples actuellement au nombre de soixante-quatre avec une résolution spatiale inframillimétrique, de la synchronisation cardiaque et des nouvelles techniques de posttraitement d'images a contribué à l'émergence de l'imagerie non invasive des artères coronaires. De soixante-quatre barrettes en routine pour des explorations encore réservées au dépistage d'anomalies congénitales des artères coronaires ou au contrôle de pontage aorto-coronarien, sont annoncés des scanners avec 256 barrettes pour la fin de l'année 2007. Parallèlement, la technologie évolue avec l'apparition de scanners bitubes ou par l'annonce d'une amélioration très importante du temps de rotation inférieur du « gantry » à 200 ms. Toutes ces améliorations vont accroître les performances spatiotemporelles du scanner et conduire probablement très rapidement à élargir ses indications.
Par ailleurs, des techniques de réduction de la dose d'irradiation sont en cours d'évaluation par le retour vers une acquisition séquentielle et non plus hélicoïdale. D'une dose moyenne de 12 millisieverts, les nouvelles acquisitions sont réalisées à moins de 4 millisieverts.
Angioscanner coronaire versus coronarographie.
Le développement et l'évaluation du scanner multidétecteurs des artères coronaires est un sujet qui provoque à ce jour beaucoup de recherches cliniques et reste bien évidemment un sujet de débat ouvert. Une étude multicentrique française, EVASCAN, coordonnée par les sociétés françaises de radiologie et de cardiologie compare les performances diagnostiques de l'angioscanner des artères coronaires et de la coronarographie. Déjà, plus de 800 patients sont inclus.
Dans le cadre de l'urgence, les résultats de la littérature conduisent à suggérer que ces nouveaux scanners multidétecteurs permettent déjà une exploration plus rapide et de meilleure qualité du parenchyme pulmonaire, des gros vaisseaux médiastinaux, mais aussi des artères coronaires et du myocarde, optimisant le diagnostic rapide des douleurs thoraciques atypiques. Une acquisition tardive myocardique à faible dose, réalisée lorsque le premier passage artériel a éliminé un syndrome aortique aigu, une embolie pulmonaire, un pneumothorax en cas de syndrome douloureux thoracique atypique, peut aussi révéler un infarctus (figures 1 et 2) ou une myocardite.
Dans la phrase chronique.
Le scanner va également s'intégrer dans la stratégie diagnostique de la maladie coronarienne dans sa phase chronique. La sensibilité de la méthode pour détecter une sténose coronarienne significative (figures 3 et 4), c'est-à-dire d'une réduction de diamètre égale ou supérieure à 50 % est de l'ordre de 72 à 91 % avec une spécificité qui varie de 71 à 98 %. Ces performances sont obtenues au prix d'un nombre de segments coronaires exclus de l'étude qui peut aller jusqu'à 30 % avec les scanners avec seize détecteurs, mais qui diminue à moins de 10 % avec les scanners avec soixante-quatre détecteurs.
Par ailleurs, ce qui ressort de l'ensemble des études publiées est la forte valeur prédictive négative du scanner qui est proche de 100 %. Ces constatations laissent envisager l'utilisation plus large de cet examen dans une population avec des douleurs thoraciques équivoques, faisant ainsi diminuer le nombre de coronarographies pratiquées dont le résultat est négatif.
Le dépistage de patients à risque, comme les hypercholestérolémies familiales, certains diabétiques ou l'évaluation du réseau coronarien avant chirurgie lourde, pourrait être de nouvelles indications. Les études récemment publiées incitent à élargir les indications pour le contrôle de stents coronaires implantés au niveau du tronc et des segments coronariens proximaux. En effet, le scanner permet d'éliminer une resténose avec une valeur prédictive négative de 98,5 %.
Comme dans toutes substitutions de techniques, nous assisterons probablement à une augmentation du nombre de coronarographies invasives diagnostiques en raison d'un élargissement trop important et trop rapide des indications du scanner cardiaque. Mais comme pour les autres techniques non invasives, une fois l'apprentissage terminé et l'évolution technologique stabilisée, on peut sans trop de risques se projeter dans le futur et anticiper une très nette diminution du nombre de coronarographies diagnostiques qui sont encore réalisées dans 30 % des cas. La coronarographie ne sera alors plus qu'interventionnelle.
En cours d'évaluation.
D'autres indications sont actuellement en cours d'évaluation : l'évaluation et le suivi de certaines cardiopathies congénitales avec le diagnostic des anomalies coronaires, l'évaluation de la voie pulmonaire et des collatérales systémico-pulmonaires, l'évaluation morphologique des veines coronaires et des veines pulmonaires avant fulguration endocavitaire pour troubles du rythme cardiaque. Encore du domaine de la recherche, l'apparition de la double énergie devrait permettre une meilleure caractérisation de la plaque d'athérosclérose : c'est vers une transformation de l'imagerie du dépistage que nous nous orientons.
Les marqueurs de risque cardio-vasculaire (score calcique en scanner et l'épaisseur intima-média en échographie) vont probablement évoluer vers une caractérisation phénotypique de l'athérosclérose des patients à un niveau plus global avec une détermination du caractère à risque de rupture de la plaque coronaire.
En conclusion, la place du scanner reste encore à déterminer dans cette stratégie de prise en charge de la maladie coronaire. Mais, dans un premier temps, au-delà de la détection des anomalies congénitales, du bilan des pontages aorto-coronaires de tout type, devant la forte valeur prédictive négative de cette méthode, on peut déjà le proposer comme un prétest dans des populations de patients à faible risque, à risque intermédiaire, ou lorsque la symptomatologie n'est pas convaincante.
* Service d'imagerie médicale, hôpital Louis-Pradel, Lyon.
Des questions en suspens
Ces importants développements technologiques vont devoir s'accompagner d'une hiérarchisation entre ces différentes modalités d'investigation. Comment les cliniciens et les organismes de financement s'adapteront-ils à ces changements technologiques ? L'exploration non invasive et précise des anomalies coronaires va-t-elle permettre de mettre en place des programmes de dépistage ? Quelles sont les implications en termes d'éducation, de formation des futurs cardiologues, chirurgiens cardiaques et radiologues ?
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