LA LOI DU 3 février 2003, qui crée un délit de conduite sous l'empire de stupéfiants (trois ans de prison, 9 000 euros d'amende) et instaure une tolérance zéro pour le cannabis, pourrait bientôt être modifiée pour la première fois. Une étude réalisée par les laboratoires de toxicologie de Poitiers (Dr Patrick Mura), de Strasbourg (Dr Pascal Kintz) et de Bordeaux (Dr Véronique Dumestre), à paraître dans le « Journal of Analytical Toxicology », montre qu'il est possible de mesurer la présence du principe actif du cannabis, le tétrahydrocannabinol (THC), dans les tissus, et principalement dans le cerveau, alors qu'il a disparu dans le sang, comme cela avait été observé chez des animaux.
Sur douze fumeurs de cannabis tués accidentellement, dont certains sur la route, trois étaient négatifs au cannabis après analyse de sang, or le THC s'était fixé dans leur cerveau. Jusqu'alors, compte tenu du métabolisme du THC, il n'existait aucun seuil de dangerosité faute de corrélation entre la concentration sanguine et les effets chez le sujet, dit au « Quotidien » le Dr Patrick Mura. Pour en arriver à ce résultat, le seuil analytique de 1 ng/ml de sang à partir duquel un laboratoire se prononce sur la présence ou non de THC, défini dans le cadre de la loi du 18 juin 1999, a été porté à 0,5 ng/ml grâce à des techniques d'analyse plus pointues.
L'académie de pharmacie pour un seuil de 0,5 ng/ml.
Pour l'Académie nationale de pharmacie, qui consacrera sa séance thématique du 9 novembre au cannabis au volant, il serait judicieux d'abaisser le seuil minimal de quantification du THC de 1 à 0,5 ng/ml et de privilégier le dépistage préalable par la salive. « On risquera moins de passer à côté de personnes sous influence du cannabis, estime le Dr Mura. Il souligne qu'actuellement les conducteurs entre 0,5 et 1 ng/ml sont déclarés négatifs, même s'ils ont été reconnus responsables d'un accident mortel. Le test salivaire, qui est avant tout un test d'orientation qui n'exclue pas la prise de sang, remplacerait le dépistage urinaire, qui impose une présence médicale. Comme il a seulement besoin de l'intervention d'un représentant des forces de l'ordre, il permettrait de « gagner du temps ». A cette fin, des outils performants seront opérationnels dans les prochains mois.
A l'étranger, le seuil de 5 ng/ml prévaut.
A la logique toxicologique s'oppose la logique sécurité routière, que défendra, devant l'académie de pharmacie, le 9 novembre, le Dr Charles Mercier-Guyon, responsable du Centre de recherches et d'études de médecine du trafic. « La position des toxicologues est assez discutable, dans la mesure où la Suède, la Norvège, la Finlande, la Belgique, l'Australie et le Canada sont en voie d'adopter un seuil de dangerosité de l'ordre de 5 ng/ml, en dessous duquel il n'y aura pas de poursuite pour comportement dangereux au volant, mais pour usage de cannabis. Personnellement, poursuit-il, je n'ai jamais constaté d'accident ni d'altération comportementale parmi des sujets présentant un faible taux de THC » (moins de 5 ng/ml, ndlr). Le progrès, de son point de vue, serait plutôt de définir « un degré haut de dangerosité, situé entre 5 et 7 ng/ml, provoquant un risque potentiel d'altération comportementale », qui correspondrait au délit de conduite sous l'empire de stupéfiants. A l'inverse, un « taux faible, inférieur à 5 ng/ml, donnerait lieu à une sanction administrative ». Quant au dépistage par la salive, le Dr Charles Mercier-Guyon y est tout aussi réfractaire, car la sensibilité du test n'est efficace que dans 50 % des cas, et de façon aléatoire.
Pour l'instant, conformément à la législation en vigueur, la tolérance pour le THC au volant est nulle, tandis que, pour l'alcool, le seuil à ne pas dépasser est de 0,5 g/l.
Selon une étude discutée, le cannabis tue onze fois moins que le verre de trop, même s'il se révèle plus meurtrier chez les moins de 25 ans (« le Quotidien » du 5 octobre). La part des accidents de la route mortels directement liée au cannabis est de 2,4 %, ce qui représente 170 décès, et celles des boissons alcoolisées, de 28,5 %, soit 1 940 tués.
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