Les lignes bougent et tout laisse à penser que la scène syndicale médicale hospitalière est à l'orée d'une recomposition significative. Ces plaques tectoniques que sont les intersyndicales se croisent, s’entrechoquent, s’éloignent… En 2010, lors des élections à la Commission statutaire nationale qui permet aux syndicats « de se compter », tout indique que de nouvelles forces émergeront. Et il est fort possible que le législateur y contribue.
Parmi les dizaines de décrets de la loi HPST actuellement en cours d’examen, l’un d’entre eux a retenu l’attention de Michel Dru, président du SNPHAR. « Dans les projets de décrets, on ne parle plus des quatre intersyndicales, mais d’intersyndicales, avec comme commentaire du ministère : "En cas d?évolution vers un nombre plus restreint ou plus élevé d’intersyndicale" », relève-t-il. Si ledit décret était adopté, le dogme intangible de la représentativité syndicale accordée aux quatre uniques intersyndicales serait levé.
Une cinquième intersyndicale ?
Ce qui aiguise les appétits, et fait naître de grandes ambitions, comme la création d’une cinquième intersyndicale. Un projet qu’avait porté sur ses fonts baptismaux le SNPHAR, l’Amuf, le Smarnu, le Symhospriv et le Samu de France, en 2007, en créant la Fédération de la permanence des soins hospitaliers (FPSH). « Il était intéressant que des praticiens soumis à la même contrainte de permanence des soins puissent se retrouver (urgentistes, pédiatres, anesthésistes…). Nous avions aussi dans l’idée d’ouvrir nos portes à d’autres spécialités soumises également aux gardes et astreintes. » Malheureusement, la FPSH n’a jamais pu accéder au statut de syndicat représentatif, et négocier en direct avec la tutelle : « La Dhos n’a jamais voulu nous recevoir es qualités. Quand on leur a envoyé la déclaration de la création de la FPSH, nous avons été félicités, mais ils n’ont jamais voulu nous recevoir en tant que tels, prétextant que nous étions déjà membres des intersyndicales. » Les perspectives électorales de 2010 vont-elles relancer la FPSH ? Patrick Pelloux, président de l'Amuf qui a couvé la FPSH, reste sceptique, pour ne pas dire amer : « Le SNPHAR a joué perso, et ça n’a pas donné les résultats que j’escomptais…»
Les ambitions du SNPHAR
Qu’importe, le SNPHAR a bien l’intention de s’imposer en 2010. Ses statuts ont été modifiés en janvier 2009 pour pouvoir accueillir dans ses rangs des praticiens de tous horizons et de toute spécialité. À l’instar d'une intersyndicale. Voudrait-il damer le pion aux quatre inamovibles ? « Cela fait des années que nous sommes sollicités par des syndicats d’autres disciplines : chirurgiens, gynécologues, pédiatres… Sur le fond je n’étais pas d’accord pour ouvrir les portes du syndicat à d’autres spécialités. Je dois reconnaître que nous avons dû nous adapter à la commande. Il y a eu une majorité au CA qui a décidé d’ouvrir les portes du syndicat. », se rappelle Claude Wetzel. « Nous avons été sollicités par des urgentistes et des réanimateurs. Ils avaient l’impression d’avoir les mêmes contraintes que nous. En assemblée générale, tout le monde a été d’accord », complète Michel Dru.
Trop de syndicats
Et, même si les règles de la représentativité ne bouge pas d’un iota, il n’est pas dit que le paysage reste tel quel : « Peut-être que d’ici là, les quatre intersyndicales auront fusionné en une seule. », prospecte Michel Dru. Un scénario qui, même s’il paraît actuellement surréaliste, tant les divisions règnent chez les syndicalistes, serait peut-être la solution à la faiblesse des intersyndicales : « Du côté des fédérations, nous pensons qu’il y a trop de syndicats et que nous devons nous regrouper. À la CGT, on travaille avec la FSU. Du côté médical, il faut aussi que les choses évoluent. Il y a besoin d’un syndicat qui regroupe les médecins salariés transspécialité. S’ils veulent regagner des adhérents, il faut qu’il n’y ait plus qu’un seul syndicat. », explique Christophe Prudhomme. Lequel ne cache pas sa volonté de se présenter aux prochaines élections sous l’étiquette CGT. « À la CGT, nous estimons que nous sommes au bout du rouleau avec les intersyndicales, et nous allons nous présenter comme CGT aux prochaines élections professionnelles. » Les repositionnements sont aussi à l’œuvre au sein des intersyndicales. « J’appelle à la poursuite de la recomposition syndicale. Je le répète : il y a un pôle protestataire, et un pôle de syndicalisme propositionnel. Des clivages existent dans les organisations. Les intersyndicales ne sont pas forcément homogènes, et c’est une très bonne chose. Dans les faits, la forme que prendra le dialogue social va cliver les protestataires et les propositionnels. » À ce titre, il est fort probable que Rachel Bocher, présidente de l’INPH, voit arriver des challengers aux prochaines élections de son intersyndicale en 2010.
Union
En tous les cas, cette recomposition, si elle a lieu, s’opérera sans le MDHP, qui n’a pas vocation à devenir une force syndicale : « Ajouter un nouveau syndicat risque de créer encore plus de division qu’il n’y en a déjà actuellement. Nous souhaitons avoir une action politique auprès des décideurs, une action de décision et de contre-proposition. Mais aussi de rassemblement des patients, des soignants non-médecins. Nous avons une vocation tout autre de celle d’un syndicat qui est de défendre les intérêts d?une corporation. », analyse Bernard Granger. Le MDHP, même s’il n'a pas vocation à damer le pion aux intersyndicales, aura sensiblement influé sur les pratiques syndicales : « Je crois que cette mobilisation a frappé les esprits par son ampleur mais aussi par son alliance avec les syndicats des personnels hospitaliers. Ce contact est maintenu et nous serons amenés à faire de nouveau des actions communes. C’est un tournant car auparavant, nous allions à la bataille en ordre dispersé. »
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