L’OFFRE de dépistage de l’infection à VIH mise en place en France est orientée en fonction des pratiques à risque. Ce «paradigme doit être remis en question», de même que doit être «repensée l’organisation du dépistage», affirme aujourd’hui le Conseil national du sida. Son « Rapport sur l’évolution du dispositif de dépistage de l’infection par le VIH en France » devrait faire date. Adopté le 16 novembre, en séance plénière, il a été rendu public une semaine avant la Journée mondiale du sida, le 1er décembre.
Plus de vingt ans après son début, l’épidémie du VIH a changé, ce qui oblige à adapter le dispositif de dépistage. L’utilisation du test de dépistage, disponible depuis 1985, présentait essentiellement l’intérêt, avant l’arrivée des traitements antirétroviraux, de sécuriser les dons de sang, d’organes, de tissus, de cellules et de gamètes. Avec les multithérapies, l’intérêt du dépistage est devenu «fondamental au niveau individuel», note le rapport. Les traitements prodigués avant l’apparition des symptômes ont un bénéfice démontré en termes de réduction de la morbidité et de la mortalité. Plus le dépistage est tardif, moins les traitements sont efficaces, et plus l’espérance de vie est diminuée. Or les retards dans le dépistage persistent et sont fréquents.
Avec 4,9 millions de tests réalisés en 2004, la France est juste derrière l’Autriche, un des pays européens qui a le taux de dépistage par habitant le plus élevé (82 ‰). Cependant, une proportion importante des personnes vivant avec le VIH ignorent toujours leur infection. Parmi les personnes chez lesquelles l’infection est diagnostiquée au stade de sida, 45 % ignoraient en 2004 leur infection ; la proportion s’élève à 52 % chez les personnes contaminées par rapports hétérosexuels. Selon les estimations, 40 000 séropositifs méconnaissent leur statut. Les enquêtes montrent que, lorsqu’elles sont informées de leur séropositivité, les personnes prennent contact avec un médecin dans les trois mois qui suivent. De même, elles modifient leur comportement vers des pratiques plus sûres, ce qui a un impact collectif sur la réduction du risque de transmission.
Les propositions que fait aujourd’hui le CNS visent à élargir les propositions de test. En premier lieu, dans les zones où la prévalence dépasse 0,1 %, un test devrait être systématiquement proposé aux patients lors d’une consultation médicale, en ville ou à l’hôpital, et plus particulièrement aux urgences. Le CNS rappelle cependant que «les dépistages à l’insu des patients sont formellement interdits». Trois régions sont considérées comme prioritaires : l’Ile-de-France, les DOM et la région Paca (Provence-Alpes-Côte d’Azur).
Toujours en vue d’élargir l’offre, le rapport suggère de saisir toutes les occasions pour proposer le test : au moment de la prescription d’une contraception, lors d’une IVG ou d’un changement de vie sexuelle, lors d’une rupture ou d’une prise de risque.
La grossesse semble être un moment propice. «Etonnamment, si le test de dépistage est proposé à la mère par le médecin, cette proposition de test ne s’adresse pas au père qui est tout autant concerné par une éventuelle infection», note le rapport. Le CNS propose d’ailleurs qu’un bilan de santé gratuit soit proposé au père de l’enfant à naître lors du troisième mois de grossesse.
Toutes ces propositions visent à faire du dépistage du VIH une pratique courante pour l’ensemble de la population. «Traitée comme n’importe quel autre problème de santé, l’infection à VIH serait moins regardée comme une maladie à part, stigmatisante, ce qui représente à l’évidence un frein au dépistage pour une partie de la population, comme les populations migrantes», fait observer le Conseil, qui propose également qu’un effort soit fait pour les populations les plus exposées. Le test doit être proposé systématiquement aux homosexuels ; aux personnes originaires des zones de forte prévalence – notamment dans les centres d’accueil des demandeurs d’asile (Cada), dans les centres municipaux de santé, les permanences d’accès aux soins (Pass) dans les hôpitaux ; aux personnes en situation de précarité dans les centres de soins et de dépistage qui les accueillent ; aux usagers de drogues ; à la population carcérale.
Evaluer les tests de dépistage rapide.
Une deuxième série de propositions concerne les pratiques de « counselling ». Mises en place pour délivrer des messages de prévention avant et après la réalisation du test, elles peuvent représenter, en pratique, un frein au dépistage. En effet, son caractère intrusif peut poser problème aux médecins qui, compte tenu de l’obligation du counselling pré-test, préfèrent ne pas proposer le dépistage. «En étant dispensé du counselling, le médecin pourrait d’autant plus facilement proposer le test au patient à l’occasion d’autres examens pratiqués de façon plus courante», indique le rapport. Le counselling prétest doit cependant être maintenu dans certaines circonstances, par exemple à la suite d’une prise de risque ou devant des signes d’IST.
Le Conseil du sida souhaite aussi faciliter les tests de dépistage. La France est un des rares pays à imposer un double test (dont un test Elisa obligatoire). Le CNS recommande qu’une évaluation de la pertinence de cette obligation soit réalisée. Il rappelle que des tests sanguins de dépistage rapide existent et qu’ils ont démontré des résultats comparables aux tests classiques, sauf au moment des séroconversions. Quatre de ces tests ont d’ailleurs obtenu une AMM aux Etats-Unis. L’utilisation de tests rapides présenterait des avantages indéniables pour le dispositif global de dépistage : moins de patients qui ne viennent pas chercher leurs résultat et perdus de vue ; accès au dépistage plus facile. «Les médecins traitants qui le souhaitent pourraient le pratiquer dans leur cabinet», à l’instar de ce qui se fait pour les angines à streptocoques. Le CNS précise cependant que cette proposition n’entraîne en rien l’approbation de leur utilisation sous la forme d’autotest.
Une dernière série de propositions vise à optimiser le dépistage grâce à une meilleure utilisation des structures existantes, les CoreVIH (coordinations régionales de lutte contre le VIH) et les Cdag (consultations de dépistage anonyme et gratuit), qui ne réalisent aujourd’hui que 7 % des tests de dépistage. Le CNS suggère que la levée de l’anonymat, principe sur lequel ils fonctionnent jusqu’ici, puisse être envisagé afin de permettre en particulier la continuité des soins après le dépistage.
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