L'INTERNET du futur passe par les objets. Non plus le milliard d'ordinateurs aujourd'hui connectés au réseau, mais le deuxième milliard, qui sera constitué d'objets de la vie quotidienne. Téléphones et smartphones mobiles, véhicules équipés de géopositionnement, appareils de mesure communicants, dispositifs médicaux implantables, etc., ainsi que tout objet dotés d'une puce RFID (identification par radiofréquence). Des objets communicants.
Comme il y a eu une adresse IP attribuée à chaque ordinateur par le système DNS (Domain Naming System) contrôlé par les États-Unis, il va y avoir un contrôle de l'Internet des objets par l'ONS (Object Naming Service). Chaque puce aura un identifiant mondial unique délivré par l'Electronics Product Code, consortium mondial de la gestion des codes-barres. La « racine » régionale européenne de l'EPC sera ouverte en France le 3 décembre prochain. Les informations relatives aux objets seront consultables depuis l'Europe via l'ONS France sans passer par les États-Unis.
Selon Jacques Attali, l'Internet du futur va bouleverser le rapport aux objets dans de nombreux domaines et, notamment, «cela offrira des perspectives nouvelles aux diagnostics et traitement médicaux».
On peut déjà en observer les prémices. Le Pr Albert-Claude Benhamou, l'un des fondateurs de l'université médicale virtuelle UMVF, cite les endoprothèses aortiques dotées de MEMS (Micro-Electro-Mechanical Systems) analogues aux puces RFID, les stimulateurs cardiaques capables d'envoyer des informations sur leur état de fonctionnement… Directeur de la division santé d'Orange, Thierry Zylberberg rappelle ce qui est déjà opérationnel : le suivi des maladies chroniques, l'assistance aux personnes atteintes d'Alzheimer par la géolocalisation (le bracelet Columbia diffusé par Orange) ou l'aide aux personnes dépendantes.
Le dernier forum Ocova (objets communicants en valorisation), qui s'est déroulé à Gap (Hautes-Alpes) du 8 au 10 septembre, a présenté quelques exemples concrets.
Ainsi, la société ApiLinx propose une plate-forme sécurisée de télésurveillance pour des malades chroniques, mais toujours en activité, comme les diabétiques ou les obèses. Le patient se sert d'un iPhone (ou de tout autre smartphone) qui fait office à la fois de monitoring portable et de moyen de communication vers la plate-forme. «Ce téléphone dialogue avec des capteurs placés sur le corps du malade, qui peut ainsi surveiller ses paramètres comme le taux de sucre dans son sang, explique Laurent Chivallier, promoteur du projet. Son médecin traitant peut également le suivre à distance, l'alerter en cas d'oubli, collecter et archiver les données sur son dossier médical et communiquer directement avec lui.» En attendant l'arrivée sur le marché de senseurs Bluetooth, invasifs ou non (il existe un prototype israélien de boucle d'oreille qui spectrographie le taux de sucre du sang au travers du lobe)…
«Demain, estime Thierry Zylberberg, ce sont les capteurs placés dans le corps humain ou voyageant à l'intérieur qui transmettront des informations.» Et de citer un projet de recherche sur les implants cardiaques à l'hôpital Georges-Pompidou (Paris). «Mais il faudra le temps que tout cela atterrisse», prévient-il.
Des obstacles à franchir.
Il y a d'abord un problème d'acceptation. La CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) est très vigilante et s'inquiète de la géolocalisation des personnes à leur insu. L'Europe sera peut-être le premier continent à accorder à ses citoyens le droit de désactiver les puces RFID. Le droit au «silence des puces».
Ensuite, dans le secteur de la santé, l'évaluation coût/bénéfice est un enjeu de taille. Le CHU de Nice va, par exemple, inaugurer en janvier prochain un centre d'évaluation sur les gérontotechnologies qui mesurera le service médical rendu, y compris dans son aspect économique. De la géolocalisation des malades d'Alzheimer à l'utilisation d'un robot d'assistance à domicile.
Enfin, au sein d'un établissement, l'utilisation des étiquettes RFID pour suivre le déplacement des patients ou la traçabilité des médicaments ou des échantillons biologiques n'est pas toujours facile à mettre en place. Le Dr Christian Chabannon, du laboratoire de thérapie cellulaire de l'institut Paoli-Calmettes, à Marseille, va témoigner, lors de la conférence de Nice, de la difficulté de transformer les besoins des professionnels de santé liés à la production des soins en processus organisé. Et, pourtant, la traçabilité des échantillons biologiques est une problématique majeure. D'où un partenariat avec le CHU de Nice sur l'expérience MISTRALS, afin d'élaborer des normes d'usage pour les biobanques.
De toute façon, le déploiement de l'Internet des objets – la mise en réseau de la RFID et de l'Internet – prendra plusieurs années. L'ONS n'est qu'une technologie débutante et l'interopérabilité des différentes bases de par le monde ne sera pas une mince affaire.
Objets inanimés, avez-vous donc une adresse mail ?
RFID pour tous
En France, c'est la société Violet, créée en juin 2003 par Olivier Mével et Rafi Haladjian, qui a développé des objets intelligents grand public. Le 23 octobre, Violet va lancer le Mir:ror, un kit comprenant cinq étiquettes RFID et un petit « miroir » que l'on connecte via la prise USB d'un ordinateur. Son rôle : reconnaître les objets sur lesquels on a collé une des étiquettes et les mettre en relation avec leur application sur le site de Violet. Vous pourrez ainsi affecter votre parapluie à la consultation de la météo. Ou coller une étiquette sur une boîte de médicament et la poser sur le miroir à chaque prise pour gérer la délivrance du médicament (heure de la prise).
Rien n'empêche alors la boîte de médicament de communiquer avec le lapin Nabaztag, pour que celui-ci alerte l'utilisateur quand il doit prendre son médicament.
Sous ses allures de gadget qui bouge les oreilles, le premier objet intelligent de Violet, né en 2005, est connecté en permanence à Internet. Il est capable de vous lire un livre (un e-livre, bien sûr) et de vous transmettre via votre BlackBerry les messages qu'il a reçus pour vous des lapins de vos amis. C'est le Facebook des objets.
Le kit Mir:ror sera vendu environ 40 euros + 19 euros pour douze étiquettes supplémentaires.
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