La réforme du système de santé allemand

Vers l’instauration d’un nouveau mode de rémunération des médecins

Publié le 10/09/2006
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DE NOTRE CORRESPONDANT

LES MéDECINS ALLEMANDS sont rémunérés par des points, déterminés pour chaque acte ou partie d’acte, et qui sont ensuite « convertis » en honoraires.

Depuis quelques années, ces points sont « flottants », c’est-à-dire que leur valeur baisse pour rester contenue dans les enveloppes globales. Ce système, de plus en plus contesté, a entraîné des baisses considérables de revenus en raison du resserrement des enveloppes, et va disparaître l’an prochain, en même temps que les enveloppes. Cela ne signifie pas pour autant que les médecins vont bénéficier d’une totale liberté tarifaire, car leurs actes resteront sévèrement encadrés, contrôlés et évalués.

Mais, au lieu de toucher des points, ils percevront, à l’image des C ou V français, un forfait fixe par acte, établi en euros, beaucoup plus transparent. Loin d’être un « cadeau », cette mesure répond certes à la volonté des médecins de sortir des enveloppes et des points flottants, mais aura d’autres conséquences négatives, en particulier pour les médecins qui soignent des assurés privés. Jusqu’à présent, les points « privés » étaient mieux rémunérés que les points « publics », mais cette différence va s’estomper avec les honoraires fixes. En outre, de nouveaux outils de maîtrise vont être institués, dont des référentiels d’activité en fonction de l’âge et de la pathologie des patients. Les médecins redoutent que la réforme du fonctionnement et du financement des caisses ne se traduise par leur « étatisation ». Les cotisations payées par les employés et les employeurs seront complétées par des impôts, prélevés notamment sur les capitaux, un peu comme notre CSG. Toutes ces sommes seront versées dans un « fonds commun » et serviront à financer l’ensemble des soins de santé. Actuellement, les frais de santé d’un assuré affilié à une caisse donnée sont payés par les cotisations de l’ensemble des assurés de cette caisse, alors que, dans le nouveau système, tous les assurés de toutes les caisses cotiseront au « fonds » et bénéficieront des mêmes prestations. Ce système doit mettre un terme aux différences de traitement d’une caisse à l’autre, et surtout empêcher que les caisses « attirent » les jeunes assurés et tentent de se « décharger » des assurés plus âgés ou en mauvaise santé.

De nombreuses autres mesures concrètes vont affecter l’exercice médical, dont l’introduction, pour les médicaments très chers, d’un second avis médical : un médecin ne pourra plus prescrire certains produits onéreux sans avoir eu l’autorisation préalable d’un spécialiste, ce qui soulève déjà la colère des praticiens. En outre, les caisses et les pharmaciens pourront négocier directement le prix des médicaments avec l’industrie pour obtenir des rabais supplémentaires, et les procédures de fixation des prix des nouveaux produits seront durcies, les caisses ayant la possibilité de ne pas rembourser certaines spécialités si elles les jugent inutiles ou trop onéreuses. L’évaluation économique des médicaments sera renforcée, et plusieurs petites mesures, parfois symboliques, complètent l’arsenal de la réforme, par exemple, dans certains cas, la distribution par les pharmaciens de médicaments à l’unité et non plus en boîtes pleines.

Discordances dans la coalition gouvernementale.

Les mesures concernant les médecins et les pharmaciens doivent entrer en vigueur dès 2007, la réforme des caisses étant prévue pour l’année suivante. Toutefois, alors que ce plan paraissait « quasi certain » au début du mois d’août, plusieurs voix discordantes, y compris au sein de la coalition gouvernementale, se sont élevées cet été contre certains de ses chapitres. La chancelière, Angela Merkel, a elle-même critiqué certaines dispositions relatives aux caisses et à l’assurance-maladie privée, et beaucoup d’experts de son parti jugent que la réforme est d’inspiration trop socialiste... à l’image justement d’Ulla Schmidt, ministre social-démocrate chargée de la Santé. Il faut donc s’attendre à de nouvelles escarmouches et modifications au cours des mois à venir, en particulier lors des débats parlementaires qui débuteront à la mi-septembre.

> DENIS DURAND DE BOUSINGEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8005