On revient de loin. Le premier plan de développement des soins palliatifs (1999-2001) a triplé le nombre d'équipes mobiles et presque doublé le nombre de lits dédiés à ces soins, ainsi que le nombre des réseaux (voir encadré). Pour autant, observe Bernard Kouchner, « il y a encore un important chemin à parcourir ». Le nombre de personnes qui ont besoin, en France, de soins palliatifs est évalué entre 150 000 et 200 000. On estime qu'un jour donné 10 % des personnes hospitalisées relèvent de tels soins.
A partir de ce constat, le ministre délégué à la Santé a décidé de soutenir les efforts déjà engagés avec un plan articulé autour de trois axes principaux. Le plus innovant, explique-t-on Avenue de Ségur, concerne l'accompagnement à domicile. En 1991, 63 % des Français indiquaient qu'à qualité de soins égale ils préféraient mourir à leur domicile. Or, actuellement, seulement 25 % décèdent chez eux. « Pourtant, assure Bernard Kouchner, chacun s'accorde à penser que la mort à l'hôpital prive trop souvent l'individu de sa personnalité et de ses proches et qu'elle est difficile, car elle survient dans des services de soins aigus et donc dans un environnement technique et médicalisé. » Le ministre propose donc de « soutenir de manière très volontariste les professionnels et les bénévoles qui interviennent à domicile, afin de mieux prendre en compte la douleur, les symptômes et la souffrance du malade, sans oublier celle des proches ».
Formation et rémunération
Dans cette optique, les médecins sont naturellement en première ligne. D'une part, l'enseignement dispensé dans le cadre du module 6 du deuxième cycle des études de médecine (douleur-soins palliatifs-accompagnement) va développer la spécificité de cette pratique au domicile et assurer une répartition correcte entre la formation sur la douleur et la formation sur les soins palliatifs et le deuil. Des conditions de rémunération particulière à l'exercice libéral de ces soins, dans le cadre d'« équipes à domicile » vont être définies.
Un décret est en cours d'examen au Conseil d'Etat et devrait être publié avant les prochaines élections, espère Bernard Kouchner. Ces rémunérations seront partiellement ou intégralement forfaitaires, selon le choix des praticiens. Leur montant sera fixé dans le cadre de la convention liant les professionnels de santé et l'assurance-maladie.
Constituée à la base de compétences médicales et infirmières, « l'équipe à domicile » fait éventuellement appel aux moyens et aux compétences d'un réseau de soins palliatifs et elle dispose d'un coordinateur désigné d'un commun accord par les membres de l'équipe. « Le médecin généraliste, pivot de la prise en charge du patient, a vocation à accomplir cette mission », précise la circulaire signée le 19 février par le directeur de l'Hospitalisation et par le directeur général de la Santé. Et lorsqu'il n'existe pas de réseau de soins palliatifs, l'équipe devra élaborer un document pour définir sa composition, les conditions de son fonctionnement et la transmission des données médicales, dans le respect des règles déontologiques.
Vingt réseaux supplémentaires
Les réseaux de soins palliatifs seront dotés d'une équipe de coordination pour mettre en liaison des structures telles que l'hospitalisation à domicile, les équipes mobiles et les unités de soins palliatifs. Dès cette année, vingt nouveaux réseaux seront financés par l'assurance-maladie avec une enveloppe spécifique d'un montant de 6,1 millions d'euros (40 millions de francs).
Le programme vient également à la rescousse des associations de bénévoles qui ont conclu une convention avec un établissement de santé et peuvent alors organiser leur intervention au domicile des personnes malades. 7,62 millions d'euros (50 millions de francs) leurs seront alloués en 2002 pour faire face à leurs frais de fonctionnement.
Bernard Kouchner veut encore affirmer la place de l'hospitalisation à domicile (HAD) dans la prise en charge des personnes en fin de vie. D'une place d'HAD contre deux lits d'hospitalisation dans les zones excédentaires, on passera au principe d'un taux de change unique d'une place d'HAD pour un lit, a annoncé le ministre, avec la possibilité de faire varier ce taux entre 0,25 et 1, pour avoir jusqu'à quatre places d'HAD pour un lit rendu.
Un service dans tous les CHU
Deuxième axe du programme : l'accompagnement dans les établissements de santé s'inscrit davantage dans la continuité du premier plan. L'objectif, en quatre ans, vise notamment à obtenir que tous les CHU, comme autant de noyaux durs de la formation médicale, se dotent d'un service dédié aux soins palliatifs. A ce jour, seulement douze des vingt-trois CHU métropolitains disposent de telles unités, et encore, dans la moitié des cas disposent-elles de moins de quatre lits. Comme le souligne le Dr Henri Delbecque, que Bernard Kouchner vient de nommer chef du projet, « on vit encore dans les grands hôpitaux sur le mythe d'une médecine noble vouée aux traitements curatifs, en excluant de la prise en compte médicale une médecine palliative jugée marginale, tout au plus abandonnée aux bonnes surs. »
11,43 millions d'euros vont être consacrés cette année au renforcement des structures de soins ad hoc, Bernard Kouchner jugeant « nécessaire (que) chaque région dispose d'une unité d'au moins 10 lits qui assure une fonction de soins, de formation et de recherche clinique ».
Mourir fait partie de la vie
Le programme veut enfin, au-delà des professionnels, « sensibiliser et informer » l'ensemble du corps social. Une campagne de communication va être lancée. « Il nous faut communiquer sur les thèmes "la médecine n'est pas seulement curative", ""mourir fait partie de la vie" et il faut "donner sens à la fin de vie". »
Le cas échéant, des états généraux, concept kouchnérien s'il en est, pourraient réunir dans plusieurs départements les professionnels et le public.
Comme le souligne le Dr Daniel d'Hérouville, qui préside la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs, « un chemin considérable reste à faire pour que les Français sachent que la réponse du monde médical ne s'arrête pas avec le diagnostic d'incurabilité ».
1999-2001 : premier plan, première étape
L'objectif du premier plan triennal de développement des soins palliatifs, déjà élaboré par Bernard Kouchner, visait à créer et à diffuser une culture de soins palliatifs à la fois chez les professionnels de santé et dans le public, ainsi qu'à améliorer la « capacité de réponse ». En trois ans, on passait ainsi de 84 à 265 équipes mobiles ; le nombre de lits de soins palliatifs, de 675 à la fin de 1998, atteignait 1 040, répartis en 122 unités et pôles identifiés (il y en avait 74 à la fin de 1998), dont 70 unités (USP) de plus de 5 lits et 24 pôles identifiés de plus de 5 lits ; toujours en 2001, 30 réseaux étaient constitués, soit 12 de plus que fin 1998.
Les mises en place et les renforcements des équipes mobiles et des unités de soins palliatifs représentent un doublement des moyens humains, soit la création de plus de 1 117 équivalents temps-plein, médicaux et non médicaux.
Le développement des réseaux de soins palliatifs a bénéficié dans certaines régions de la mise en place d'un comité régional des réseaux regroupant notamment l'agence régionale d'hospitalisation et l'union régionale des caisses d'assurance-maladie, de façon à aider les promoteurs et à améliorer la cohérence régionale de l'offre de soins.
Autant de notables avancés. Malgré tout, reconnaît-on au ministère de la Santé, il reste beaucoup à faire pour qu'entre dans les faits l'affirmation de la loi du 9 juin 1999 : « Toute personne malade dont l'état le requiert a le droit d'accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement. »
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