LORSQU'ELLE a lancé son programme en 1988, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) espérait pouvoir prononcer l'éradication de la poliomyélite dès l'an 2000. En raison des difficultés liées à la vaccination dans le sous-continent indien et en Afrique, le programme d'éradication a pris du retard. A partir du Nord-Nigeria, pays devenu aujourd'hui le principal réservoir de la poliomyélite, la maladie a été réimportée en Afrique subsaharienne (onze pays touchés dont six où la maladie est de nouveau endémique) puis au Moyen-Orient et aujourd'hui en Indonésie, où viennent d'être observés, après dix ans d'interruption, plusieurs centaines de cas. L'existence de ces réservoirs fait peser un risque d'exportation des cas vers d'autres pays.
La région Europe de l'OMS a, elle, été déclarée exempte de poliomyélite le 21 juin 2002. Les dernières épidémies ont concerné des pays où la couverture vaccinale des jeunes enfants était insuffisante (Albanie en 1995-1996), mais aussi des pays où la couverture vaccinale, globalement élevée, cachait des poches de populations non vaccinées pour des motifs religieux (Pays-Bas, 1992-93). En France, l'obligation vaccinale instituée en 1964 comporte trois doses de vaccin injectable inactivé à l'âge de 2, 3 et 4 mois, un premier rappel à 16-18 mois, un deuxième à 6 ans, un troisième à 11-13 ans et un quatrième à 16-18 ans. Une dose de rappel est recommandée tous les dix ans tout au long de la vie. Depuis 1994, la couverture vaccinale à 24 mois se maintient à des taux élevés (97 % pour les trois premières doses et 89 % jusqu'au premier rappel). En revanche, seulement 63,4 % des adultes sont à jour de leurs rappels, ce qui incite à la vigilance.
Dernier cas en France en 1989.
Le dernier cas de poliomyélite autochtone remonte déjà à 1989 et le dernier cas importé date de 1995 : il s'agit d'un coopérant de 27 ans, très partiellement vacciné, hospitalisé à son retour de Côte d'Ivoire pour une tétraplégie avec détresse respiratoire. La surveillance repose sur la déclaration obligatoire qui existe depuis 1938, mais dont les critères ont été modifiés en 2003 pour inclure la poliomyélite aiguë quels que soient la forme clinique et l'isolement d'un poliovirus sauvage ou dérivé d'une souche vaccinale (poliovirus Sabin-like).
Contrairement à la plupart des pays industrialisés, la France n'a pas mis en place de surveillance exhaustive des paralysies flasques aiguës - la plupart relevant du syndrome de Guillain-Barré - mais a renforcé la surveillance clinique et virologique de la poliomyélite grâce à la création, en 2000, d'un réseau de surveillance des entérovirus (poliovirus et non poliovirus) chargé aussi de détecter le virus dans l'environnement.
Le réseau n'a détecté aucune souche de poliovirus « sauvage » chez l'homme ou dans l'environnement au cours des cinq dernières années. Deux souches vaccinales importées ont été identifiées. La première, en 2002, dans les selles diarrhéiques d'un enfant de 4 mois, originaire d'Algérie, où il avait reçu deux doses du vaccin oral. Le second chez un enfant de 8 jours, originaire du Maroc, lors d'un bilan systématique, sans contexte clinique particulier.
Lorsque l'éradication mondiale sera obtenue, « il ne sera pas possible de désarmer avant de longues années », assure Michel Rey, président de la commission nationale de certification de l'élimination de la poliomyélite en France. L'arrêt du vaccin oral serait à envisager car, s'il est simple à administrer, peu onéreux et très efficace, il est susceptible de devenir neuropathogène. Ce n'est pas le cas du vaccin inactivé injectable qui devra être poursuivi. Les laboratoires deviendront alors la seule source de contamination potentielle, avec un risque de réintroduction (accidentelle ou criminelle) du virus dans des populations qui, avec le temps, deviendront de plus en plus réceptives.
Un plan en deux phases.
Dès 1999, l'OMS a demandé aux 52 Etats membres de se préparer au confinement des souches sauvages dans des laboratoires de haute sécurité. Un plan d'action en deux phases a été défini : phase 1 d'inventaire national de tous les laboratoires qui détiennent du matériel infectieux et de description des conditions de sécurité ; phase 2, activée un an après que le dernier poliovirus sauvage aura été isolé sur la planète. Les laboratoires se verront alors proposer soit de détruire ou stériliser les échantillons suspects, soit de les transférer à des laboratoires satisfaisant aux exigences de sécurité, soit de s'équiper pour satisfaire aux normes. Un premier bilan a eu lieu en mai à Copenhague : 30 pays, dont la France, ont été considérés comme ayant rempli leur mission. La France s'est dotée d'une réglementation spécifique, l'une relative à la protection des travailleurs (4 mai 1994), l'autre relative à la mise en œuvre, l'importation, l'exportation, la détention, la cession à titre gratuit ou onéreux, l'acquisition et le transport de certains agents responsables de maladies infectieuses (arrêté du 30 juillet 2004). Le virus de la poliomyélite a été ajouté à la liste. Les experts scientifiques ont fortement recommandé que les investigations ne se limitent pas aux poliovirus sauvages visés par le plan de l'OMS, mais qu'elles concernent également les souches vaccinales et dérivées, car, expliquent-ils, « en raison de la capacité de mutation in vivo extrêmement rapide des poliovirus, les souches atténuées du vaccin oral présentent un risque potentiel de réversion de leur pouvoir pathogène et d'épidémiogénicité ». Selon les investigations déjà menées auprès de 7 265 laboratoires, dix détiennent du poliovirus sauvage, quarante-six du matériel potentiellement infectieux, quarante-sept du poliovirus vaccinal, et cinq déclarent avoir détruits leurs stocks.
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